12 février 2016, 15:30

SERENITY

"Codex Atlanticus"

Album : Codex Atlanticus

Il aura fallu trois ans aux Autrichiens pour donner un successeur à « War of Ages », quatrième album de la formation. Dans l'intervalle, Thomas Buchberger, le guitariste historique, s'en est allé voguer vers d'autres horizons, remplacé par Chris Hermsdörfer (VISIONS OF ATLANTIS) qui dépannait déjà occasionnellement le groupe depuis 2011 et s'est trouvé officiellement intronisé en 2015. Quant à la française Clémentine Delauney qui avait pris ses quartiers dans le groupe sur « War of Ages », a rejoint VISIONS OF ATLANTIS (oui, ça fait un peu chaises musicales) et MELTED SPACE.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Tyroliens, loin de se laisser abattre par ces changements, ont voulu frapper ici un grand coup. Si le précédent disque marquait un net progrès en terme de son par rapport aux trois albums précédents (notamment dans les orchestrations), il faut reconnaître que ce cinquième album confirme et affirme cette tendance. Les trois premiers disques ne brillaient pas par leur originalité dans le domaine du metal symphonique, malgré une exécution efficace et des qualités indéniables, mais « War of Ages » avait clairement relevé le niveau grâce à des arrangements orchestraux bien plus travaillés et réalistes (exit l'orgue Bontempi) et à un partage du chant plus important entre Georg et Clémentine.
Sur ce nouvel effort, il semblerait que le thème général développé au fil des onze morceaux (Léonard de Vinci et son Codex Atlanticus, recueil en douze volumes de quelque 1200 pages de notes et de dessins) les ait motivés à se dépasser. En revanche, on peut se demander si ce sursaut est dû au seul "génie de composition" (comme le décrit la présentation du label) du chanteur Georg Neuhauser alors que, d'après ce qu'on peut lire sur leur propre site, la musique a été écrite conjointement par ce dernier, Chris Hermsdörfer et leur producteur attitré Jan Vacik (dont on se demande un peu pourquoi il ne fait pas officiellement partie du groupe tant sa participation dépasse le simple cadre de la production).
Et quel est l'apport de Lukas Knoebl, le nouvel arrangeur des parties orchestrales ? Vu le progrès de ces dernières depuis l'album précédent, il est permis de penser qu'il n'est pas négligeable.
SERENITY partage avec la plupart des groupes de metal symphonique actuels ce goût de la cavalcade pachydermique et une science toute germanique du refrain imparable qui donne envie de s'accrocher par les coudes à ses voisins en se balançant de droite à gauche tout en headbangant (pas facile dans la pratique, surtout si on essaye d'écluser une bière en même temps). Le tout était jusqu'ici rehaussé d'arrangements orchestraux qui, la plupart du temps, se contentaient d'accompagner les parties metal. Aujourd'hui, la section symphonique semble prendre son envol en renforçant l'aspect purement métallique de la formation. L'album s'ouvre sur « Codex Atlanticus », une intro qui ne déparerait pas sur la B.O. du "Seigneur Des Anneaux", joliment interprétée au violoncelle, accompagné de la voix d'Amanda Somerville (EPICA, Kiske/Somerville...). "Follow Me", morceau assez classique, est introduit par un piano aérien (une constante sur tout le disque) et soutenu par des claviers/parties orchestrales qui ne se contentent pas de doubler les guitares, agressives. "Sprouts of Terror", passage le plus énervé de tout l'album, est la première des deux interventions du bassiste italien Fabio D'Amore qui se partage le chant avec Neuhauser sur ce morceau aux divers changements de rythme mais où les interventions orchestrales restent épiques. Les refrains accrocheurs sont nombreux chez SERENITY et "Iniquity" ne faillit pas à la règle, même si on peut regretter qu'il soit répété ad nauseam à la fin du morceau (on notera un bel effort pour superposer plusieurs couches vocales et instrumentales qui tissent leur toile en se mélangeant). On appréciera l'intro au glockenspiel enchaînée aux guitares incisives de Hermsdörfer qui fait son petit effet (et évoque un peu, dans un genre différent, l'intro de "The Sheer Misfit" de NIGHTFALL). Plus surprenante, "Reason" commence dans le calme avec l'intervention d'une discrète rythmique électro avant d’enchaîner sur une explosion orchestrale qui donne sa dominante au titre, en prenant le pas sur les guitares, ce qui était plutôt inhabituel chez les Autrichiens jusqu'ici. C'est un duo flûte-piano qui accompagne "My Final Chapter", lui conférant une ambiance irlandaise plutôt bienvenue, Hermsdörfer se fendant au passage d'un solo tout en feeling. On regrettera tout au plus que le chant n'ai pas été laissé à une voix féminine (qu'on n'entend que dans les chœurs) qui aurait assurément eu toute sa place sur ce morceau. Intro électronique et guitares lourdes pour "Caught In A Myth" mais refrain imparable qu'on chantera en boucle sous la douche (ou alors aux concerts du groupe, ça marche aussi...). Nouvelle intro orchestrale explosive pour "Fate Of Light", morceau enlevé mais un peu classique vocalement, tandis que la partie orchestrale fait le boulot sans se contenter de doubler les guitares. "The Perfect Woman" s'ouvre de manière originale sur deux notes au piano en mode "embardée" avant que guitares et orchestre s'ajoutent pesamment pour laisser la place à... une balade que n'aurait pas reniée BON JOVI, qui elle-même laisse la place à du QUEEN, qui cède la place à... et ainsi de suite. Curieux morceau, au chant partagé avec Amanda Somerville, qui enchaîne des séquences très différentes. Pas une minute pour s'ennuyer, malgré un petit côté Disney déconcertant (on s'attend à ce que les deux chanteurs se mettent à entonner "Ce rêve bleuuuu..."). Le très dansant "Spirit In The Flesh" marque la seconde incursion de Fabio au chant, toujours partagé avec Georg, et qui révèle là de fort belles capacités vocales tandis qu'orchestre, guitare et basse bastonnent à qui mieux-mieux. C'est encore la partie orchestrale qui donne sa dynamique à "The Order", tout en grandiloquence avec une basse très présente, et là aussi, le refrain devrait faire chanter les foules en délire. Bref, même si ce n'est sans doute pas l'album de l'année, c'est un disque très bien ficelé, efficace, qui lorgne du côté d'AVANTASIA dans sa manière de diversifier les voix, les ambiances, tout en complexifiant les parties instrumentales. Au bout de 50 minutes, on se surprend même à ce qu'il soit si vite terminé (les versions CD et vinyle sont toutefois augmentées de trois titres bonus). Si le groupe continue à évoluer dans cette voie, nul doute que la suite de sa carrière sera passionnante !

Blogger : Florent Dié
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Florent Dié
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