5 mars 2016, 21:09

DREAM THEATER

@ Paris (Palais des Congrès)

Depuis le départ de Mike Portnoy, DREAM THEATER a eu à cœur de prouver que sa verve restait intacte sans son maître à penser et membre fondateur à bord. Les deux premiers albums avec Mike Mangini à la batterie étaient en conséquence très classiques et sans prise de risques, se contentant d’émuler les forces connues du groupe avec un certain brio malgré le sentiment de redite que DREAM THEATER parvenait pourtant facilement à éviter à une certaine époque. Les fans rassurés, bien qu’en live Mangini pêche toujours par un son très plat et fade en comparaison de son illustre prédécesseur (mais il est temps de s’habituer), John Petrucci et ses camarades ont cette fois pu se lâcher complètement en proposant le pari très risqué d’un double album concept affichant 2h10 au compteur… Et, encore plus périlleux, une tournée qui lui est totalement consacrée, sans proposer le moindre titre de son back-catalogue.



Entreprise délicate en 2016, où la tendance est davantage au format court. Mais après tout, cela colle parfaitement à l’histoire dévoilant un certain Gabriel doté du don de jouer de la musique dans un futur morose dominé par un empire au sein duquel le divertissement n’a que peu de place et se retrouve assuré par des machines (les Nomacs) pour un résultat peu passionnant. Certes, DREAM THEATER n’en est pas à son coup d’essai, le cultissime « Scenes From A Memory » (1999) racontant également une histoire et s’étant vu à l’époque interprété intégralement sur scène sur fond d’animation assez “cheesy”. De ce côté-là, la production de « The Astonishing » est à des années-lumière en termes de qualité, mais l’album aussi beaucoup plus long (ne laissant aucune place au passé) et, surtout, juste moins bon, d’où le côté casse-croûte de la chose.
 

Côté scène, tout l’espace est laissé aux différents écrans géants (quasiment aucun matos sur scène, amusant de voir Petrucci afficher seulement deux cabinets 4x12 et deux têtes Mesa Boogie et se débarrasser ainsi des murs d’amplis dont ne sort jamais la moindre note) qui vont donc projeter l’histoire de l’album tout au long du concert, au cours d’animations mêlant univers de science-fiction et d’heroic fantasy, pour des résultats variables. On a du très bon avec notamment les animations des Nomacs dont les interludes prennent toute leur dimension en concert, jusqu’à certaines vidéos assez grotesques, mais quel fan de DREAM THEATER peut s’offusquer d’un brin de mauvais goût, péché mignon du groupe depuis ses débuts et probablement jamais aussi peu présent que sur « The Astonishing », un disque où même Jordan Rudess est sobre, c’est dire ?! En effet, bien que résolument grandiloquent, le concept est illustré par une musique globalement en retenue, à dominante calme où les inévitables passages “techniques pour techniques” ne sont pas forcément de la partie.

Certains pourraient d’ailleurs reprocher à cette œuvre de 2h10 de ne pas proposer suffisamment de montagnes russes et de passages plus rentre-dedans, mais après nombre d’écoutes, les mélodies, présentes notamment sur le premier acte, sont tout de même bien agréables et prenantes, à l’image de “The Gift Of Music”, “The Answer”, “When Your Time Has Come” et “A Life Left Behind”. L’orchestre présent sur album est évidemment sur bande, sans que cela ne choque, Rudess abattant quoi qu’il arrive un sacré boulot, et c’est davantage du côté des “faux” chœurs de John Petrucci façon Nikki Sixx que le bât blesse. « The Astonishing » propose également des pépites épiques qui font bien mouche, comme par exemple “Ravenskill” et “A New Beginning”, ce dernier proposant le seul véritable solo époustouflant de John Petrucci, qui le délivre ici seul en devant de scène à la manière de celui de “Comfortably Numb” dans « The Wall » de qui vous savez.

Le highlight du concert sans aucun doute, d’autant que l’impardonnable erreur d’avoir écourté le solo sur album par un vilain fade out est heureusement réparée en live ! Autres réjouissances de ce premier acte, les titres plus alambiqués et parfois loufoques, mettant souvent en scène l’empereur, que sont “Lord Nafaryus”, “A Savior In The Square” et “Three Days”, des titres où l’interaction entre la musique, les très belles lumières et la vidéo est d’une synchronisation chirurgicale ! Pas de place pour la moindre variation de tempo, ces mecs ne sont pas humains ! Autre bon moment par son côté plus noir, agressif et dramatique que ce “A Tempting Offer” qui tranche avec le reste.

Le second set, plus court, propose un des titres s’accordant le plus les faveurs du public avec un “Moment Of Betrayal”, efficace certes, mais dont la mélodie vocale a peut-être le plus un petit goût de déjà vu. Super solo de guitare, cela dit ! Après des titres plus anecdotiques (sur le long terme, le second acte se révèle tout de même d’un calibre inférieur au premier dans sa globalité, et pourtant, que le premier peut paraître interminable aux premières écoutes !), “The Path That Divides” et “The Walking Shadow” illustrent la tragique bataille (le frère de Gabriel meurt devant son propre fils, assassiné par le frère de Faythe, l’amoureuse de Gabriel, elle-même atteinte par erreur par son frère, l’assassin, la prenant pour Gabriel, mais heureusement ranimée plus loin dans l’histoire, vous suivez ?). Très bien côté musique, moins côté vidéo, s’agissant sans doute de la moins bonne !



Le problème de “The Astonishing” ne réside pas tant dans sa longueur que dans le fait que sa fin est poussive à tous les niveaux : musique et histoire. La fin du show propose donc une suite de titres assez dispensables jusqu’à “Our New World”, positif et gagnant à souhait, mais trop juste pour s’imposer comme le dénouement d’un tel pavé. En rappel, l’empereur, convaincu par Gabriel, met hors tension les Nomacs et le groupe se retire avec “The Astonishing”, le morceau titre qui sert de conclusion sympathique mais presque trop timide. Que dire de plus, si vous n’aimez pas ce disque, ce concert a dû s’apparenter à de la torture (bien qu’il soit plus facile à digérer en live), mais si vous êtes parvenu à trouver le temps de l’écouter de nombreuses fois, « The Astonishing » aura su vous convaincre, au moins en partie.

Mention spéciale à James Labrie, qui n’est pas loin de voler la vedette aux deux hommes forts Petrucci et Rudess, en incarnant de manière impeccable tous ces différents personnages. Une tournée spéciale pour DREAM THEATER, difficile à comparer avec les autres, et pas d’inquiétude pour ceux à qui le reste du répertoire a manqué : bien qu’un Nomac se réveille sur l’écran à la fin des crédits (on vous entend au fond : pitié, pas une suite !!!), les classiques et raretés du passé seront assurément de la partie la prochaine fois !


Photos © Hard Force / Marjorie Coulin - DR - Portfolio

Blogger : Laurent Reymond
Au sujet de l'auteur
Laurent Reymond
Passionné de musique (et de basket-ball), j'ai fondé mon webzine Heavy Music en 2004 afin de partager mon avis sur l'actualité musicale, tenter de poser des questions pertinentes à mes musiciens favoris et mettre la lumière sur des formations chères à mes yeux. De 2008 à 2012 j'ai officié au sein de Rock Hard, avant de revenir à Heavy Music cette même année et de participer depuis 2014 à l'aventure Hard Force. Une manière de boucler la boucle pour moi, lecteur assidu de la version papier de Hard Force dans les années 90, mon magazine de chevet pendant l'enfance et l'adolescence. Metal, Hard-rock, Classic-rock, Rock sudiste, Stoner, Doom, Rock Progressif, Blues, Jamband, Funk, Jazz...peu importe, pourvu que la musique soit bonne, organique et personnelle !
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