6 décembre 2016, 18:10

AVENGED SEVENFOLD

Interview Synyster Gates

A l’heure où il semble impossible pour un groupe connu d’éviter les fuites sur Internet quand il enregistre un nouvel album, AVENGED SEVENFOLD a prouvé que, selon l’expression consacrée : « Quand on veut, on peut ». Avec « The Stage », sorti par surprise le 28 octobre dernier, les Californiens signent ni plus ni moins que l’album le plus ambitieux de leur carrière. Entretien avec Synyster Gates, Brian Haner Jr. pour l’état civil américain, le soliste, en direct de L.A. (so far away…).


Début octobre, l’apparition aux quatre coins du globe de Deathbat, sa mascotte ailée, laissait entendre qu’AVENGED SEVENFOLD allait vraisemblablement sortir de sa léthargie. On savait le groupe en studio depuis de longs mois, en compagnie de Brooks Wackerman, son nouveau batteur passé dans les rangs de BAD4GOOD, INFECTIOUS GROOVES, SUICIDAL TENDENCIES et à poste chez BAD RELIGION pendant dix ans. Mais rien n’avait filtré. Un canular plus tard orchestré par Chris Jericho de FOZZY, grand ami de M. Shadows, le chanteur des Californiens, qui laissait entendre que le septième A7X serait baptisé « Voltaic Oceans » et serait disponible le 9 décembre, on découvrait “The Stage”, premier extrait de l’album du même nom sorti par surprise le 28 octobre.

Pratiquer le teasing à outrance et commercialiser plusieurs singles et clips avant même que le nouveau CD ne soit disponible, comme KORN ou METALLICA pour ne citer qu’eux, n’est donc pas une fatalité. « Nous ne voulions rien divulguer de l’album afin que l’effet de surprise soit complet, confirme Synyster Gates. Personne ne l’a écouté avant sa sortie, pas même Capitol, notre nouvelle maison de disques, qui nous a fait entièrement confiance. Nous étions très excités mais le plus difficile a été que rien ne filtre. Et nous y sommes très bien arrivés. »


Un concept album, des morceaux longs, parfois expérimentaux… S’il porte la signature d’AVENGED SEVENFOLD dès les premiers accords de “The Stage”, votre septième album est à la fois ambitieux et déroutant et il demande plusieurs écoutes pour commencer à vraiment l’apprécier. Ne vous êtes-vous pas demandé comment vos fans allaient réagir à ce changement radical ?
Nous espérons qu’ils vont être surpris. En tant que groupe, nous sommes en perpétuelle évolution. Nous voulons expérimenter des nouveautés et ne pas nous répéter en employant indéfiniment la même formule sous prétexte qu’elle a déjà fonctionné. Toujours proposer quelque chose de nouveau, c’est ça l’idée. Nous avons beaucoup de chance car nos fans ont toujours accepté les différentes facettes du groupe. Nous voulions explorer de nouvelles contrées musicales, développer un concept et nous assurer que nous l’exécutions au maximum de nos possibilités. C’est très stimulant.

Il n’en demeure pas moins que « The Stage » est à des années-lumière du hard-rock direct et relativement dépouillé de « Hail To The King », votre précédent album sorti en 2013…
Le spectre de nos influences étant extrêmement varié, c’est très facile  pour nous d’explorer de nouveaux genres musicaux et de nouveaux horizons en définissant ainsi de nouvelles structures harmoniques. Ça s’est fait tout naturellement.

Vous avez été très ouvertement critiqués pour les similarités de certains morceaux de « Hail To The King » avec ceux de METALLICA ou GUNS N’ ROSES. Vous vouliez vraiment marquer le pas cette fois ?
Avec les années qui passent, nous écoutons davantage les groupes qui plaisent aux autres. M. Shadows a énormément progressé sur cet album, que ce soit en tant que chanteur ou compositeur. Il s’est mis à écouter MR. BUNGLE et de la musique classique, qui nous a beaucoup appris en termes d’orchestration. Grâce à ces influences, nous avons été en mesure de faire un album unique en son genre. Alors que dans le passé, nous écoutions plutôt METALLICA, GUNS N’ ROSES, MEGADETH et des groupes punk comme NOFX, « The Stage » est le fruit de notre expérience et de toutes nos influences, y compris les plus classiques et les plus barrées comme MR. BUNGLE et PRIMUS.
 

« J’ai peut-être une drôle de coupe de cheveux mais putain, je pratique la guitare huit heures par jour et je me targue de peaufiner autant mes compositions que mes solos. » - Synyster Gates



Je ne t’apprendrai rien en te disant que beaucoup se font une opinion sur un groupe d’après son look, voire son physique et son âge, et que cela conditionne souvent le regard qu’ils portent sur la musique. Dirais-tu que « The Stage » est une façon de briser le carcan où vous avez placés ceux qui sont un peu trop obsédés par vos coupes de cheveux pour se rendre compte de votre niveau musical ?
J’essaie de ne pas y prêter attention. Quand tu montes sur scènes devant une arena sold-out ou un stade plein à craquer, tu sais que d’une façon ou d’une autre, tu fais bien les choses. Nous avons toujours été d’une intégrité absolue, nous avons toujours joué la musique qui nous plaisait, sans le moindre calcul. Dans le passé par exemple, nous n’avons jamais composé un titre de moins de 4 minutes en nous disant : « Comme ça, il sera formaté pour la radio. » Nous avons beaucoup de succès, alors nous nous disons qu’il y a certainement une raison à cela. C’est vrai, j’ai peut-être une drôle de coupe de cheveux mais putain, je pratique la guitare huit heures par jour et je me targue de peaufiner autant mes compositions que mes solos. Alors oui, je passe peut-être un peu de temps à m’occuper de mes cheveux mais je passe avant tout mes journées à progresser en tant que compositeur, musicien et être humain.

Il semble évident que l’arrivée de Brooks Wackerman en lieu et place d’Arin Ilejay, qui a été votre batteur pendant quatre ans, a joué un rôle important dans votre “nouvelle” approche musicale…
Brooks est un musicien remarquable. Il nous avait rejoints depuis un an quand nous avons annoncé qu’il était notre nouveau batteur. Cela nous a permis de jammer, de développer des idées, d’apprendre à nous connaître et de nous rendre compte que nous étions exactement sur la même longueur d’ondes.

A qui doit-on le concept d’intelligence artificielle qui est celui de « The Stage » ?
A M. Shadows. C’est un sujet qui l’obsède et qui nous intéresse tous. Cela revenait perpétuellement dans nos conversations, alors ça avait du sens que cela devienne le sujet principal de « The Stage ».
 

« Nous sommes certains que “The Stage” aurait été l'album préféré de The Rev. Qu’en l’écoutant, il aurait dit : “Ils ont enfin montré de quoi ils étaient vraiment capables.” » – Synyster Gates



Peut-on considérer cet album comme l’ouverture d’un nouveau chapitre pour AVENGED SEVENFOLD ou pensez-vous retourner par la suite au style plus direct qui était le vôtre ?
Notre but, quand nous composons un album, est d’aller aussi loin que possible en termes d’inspiration et de technicité. Il est donc beaucoup trop tôt pour savoir ce que nous ferons sur le prochain. Tout dépendra alors de nos centres d’intérêt, que ce soit en termes de musique, de lyrics ou de philosophie. Il faudra me reposer cette question dans deux ans.

Il y a quelques semaines, James Hetfield disait que si Cliff Burton était toujours de ce monde, jamais METALLICA n’aurait enregistré « Load » et « Reload ». A ton avis, si The Rev [batteur originel et compositeur, décédé d’une overdose en 2009] était toujours là, AVENGED SEVENFOLD aurait-il fait « The Stage » ? Bon, c’est peut-être une question stupide…
Non, au contraire, c’est une très bonne question et je te remercie de l’avoir posée. Nous en avons discuté et nous sommes certains que ça aurait été son album préféré. Qu’en l’écoutant, il aurait dit : « Ils ont enfin montré de quoi ils étaient vraiment capables »

On peut supposer que votre concert sera basé sur le concept de l’album ?
Tout à fait. Et il y aura des choses spéciales. Mais si je te le dis, il faudra que je te tue après (rires) !

Bon, alors tant pis… Quels sont, pour toi, les moments forts de « The Stage » ?
Question difficile car je suis fier de l’album en général. Je suis  très fier des arrangements sur “Exist” (NDJ : le morceau de 15 minutes qui clôture l’album, « la conception du Big Bang » selon AVENGED SEVENFOLD), des compositions en général, de mon solo sur “Sunny Disposition”… Je suis fier que nous nous soyons chargés nous-mêmes de tous les arrangements des instruments à cordes. Nous nous sommes totalement investis dans toutes les facettes de la composition.

Combien de morceaux du nouvel album jouerez-vous en live ?
Nous n’avons pas encore établi de set-list définitive.

Le clip de “The Stage” est très sombre. Qui est le marionnettiste (master of puppets) qui mène la danse et dont on voir les mains à la fin ? L’homme, parce que comme le disait récemment un certain groupe, nous sommes “programmés pour l’autodestruction” (hardwired to self-destruct) ?
Il montre avant tout que depuis les débuts de l’humanité, par peur ou par incompréhension des autres, de ce qu’ils sont, de leur religion ou de leur nationalité, les hommes s’entretuent. Mais il n’est pas trop tard pour mettre un terme à ce cycle de violence. Beaucoup de gens cherchent à s’améliorer, humainement parlant, et à aider les autres car on en tire une certaine gratification. Les puissants ont le pouvoir de faire changer les choses à grande échelle mais tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice. Comme nous, qui essayons de le faire à notre petit niveau, au travers de la musique.

Quelle sera votre deuxième vidéo après “The Stage” ?
Nous sommes en train d’en discuter. Le passé nous a appris qu’il vaut mieux se concentrer sur une chose à la fois et pour l’instant, c’est “The Stage” qui est sorti fin octobre.

Ton père, Brian Haner Sr., qui apparaît sur vos albums depuis « City Of Evil »*, sorti en 2005, signe le solo final d’“Angels”. C’est un peu le sixième membre du groupe, non ?
Oui, d'une certaine façon. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être musicien et jouer de la guitare, comme lui. J’ai toujours admiré mon père et voulu marcher dans ses traces. C’est tout naturel qu’il vienne en studio pour enregistrer avec nous, c’est très fun.

Vous a-t-il déjà rejoints sur scène ?
Non, jamais. Mais il y a un temps pour tout.
 

« J’ai toujours admiré mon père et voulu marcher dans ses traces. C’est tout naturel qu’il vienne en studio pour enregistrer avec nous, c’est très fun. » – Synyster Gates


Quels souvenirs gardes-tu de votre concert en réalité augmentée au sommet de Capitol Tower, le 27 octobre dernier ?
Ça a été le moment le plus incroyable de ma vie et l’un des plus forts de ma carrière. Capitol Tower est un immeuble iconique pour moi qui l’ai toujours eu en ligne de mire la majeure partie de ma vie. Nous avons enregistré une bonne partie des instruments à cordes et des cuivres (NDJ : Angelo Moore et “Dirty” Walter Kibby de FISHBONE apparaissent sur “Sunny Disposition”) dans leur sous-sol. Capitol est un bâtiment mythique et jamais je n’aurais osé imaginer que l’on organiserait une sortie d’album surprise au sommet d’un immeuble aussi grandiose, qui plus est en réalité augmentée.

L’avant-dernier morceau de l’album, “Fermi Paradox” – le paradoxe de Fermi – doit son nom à la théorie du physicien Enrico Fermi qui souligne que bien qu’une vie extraterrestre soit hautement probable, on ne dispose d’aucune preuve de son existence. D’après toi, sommes-nous seuls dans l’univers ?
Il y a de fortes probabilités pour qu’existe une autre forme de vie dans l’univers. Mais elle pourrait se trouver à des milliards d’années-lumière de notre galaxie, et si tel est le cas, nous ne pourrons sans doute jamais entrer en contact avec elle. De toute façon, cette forme de vie pourrait être tellement différente de la nôtre que nous pourrions très bien être incapables de la concevoir. Ou alors, les extraterrestres pourraient être parmi nous ou très proches mais nous ne représentons tellement rien pour eux qu’ils nous ignorent, tout simplement. Qui sait ?

Vous serez en France en début d’année. A-t-on une chance de vous revoir cet été sur les gros festivals européens ?
Tout ce que nous savons au moment où je te parle (NDJ : le 2 décembre), c’est que notre emploi du temps va être extrêmement chargé au cours des prochains mois. Nous ne connaissons que ses grandes lignes pour le moment. Je sais que nous allons faire beaucoup de festivals mais aussi de dates en tête d’affiche. Et il y aura aussi quelques surprises bien cool sur lesquelles nous travaillons en ce moment. Nous assurons actuellement la promotion de « The Stage » avec la presse et les médias et nous mourons d’envie de partir en tournée.


En tournée européenne avec DISTURBED et CHEVELLE, AVENGED SEVENFOLD donnera deux concerts en France, le 28 février au Zénith Arena de Lille et le 2 mars à l’AccorHotels Arena de Paris.


* On retrouve Brian Haner Sr., alias Papa Gates, à la guitare, sur “Sidewinder” (« City Of Evil », 2005), “So Far Away” et “Tonight The World Dies” (« Nightmare », 2010), “Coming Home” (« Hail To The King », 2013) et “Angels” (« The Stage »). Il s’est également chargé de l’orchestration sur “Until The End” sur le live « Diamonds In The Rough » (2008).


Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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