Ainsi donc Yngwie J. Malmsteen a décidé de sortir un album-hommage aux guitaristes qui ont inspiré sa féconde carrière musicale. Soit. L'initiative est louable, et si ce n'est pas la première fois qu'Yngwie nous fait le coup (souvenons-nous du très bon « Inspiration » de 1996), elle a au moins le mérite de montrer que le maestro suédois est un peu (j'ai bien dit "un peu" !) plus humble que nous ne le croyons. Et puis un album de reprises, c'est toujours l'occasion de redécouvrir des titres qui nous ont fait vibrer sous un nouvel angle, plus ou moins aventureux, ou même par le prisme d'une démarche plus respectueuse mais empreinte de sincérité. Bref, jetée comme ça sur le papier, l'idée ne paraît pas si mauvaise. Là où le bât blesse par contre, c'est la façon dont on nous présente le truc : « Notre homme nous démontre une fois de plus son incroyable dextérité et sa grande diversité de jeu (jusque-là, tout va bien) mais rend surtout un hommage brillant au monde du blues qui a nourri sa fibre artistique depuis si longtemps ». Et là, j'en entends déjà certains s'esclaffer au fond de la salle ! Et pas des cancres !
Ben oui, quoi ! Yngwie J. Malmsteen, dont le maître à penser est Paganini, rend hommage au blues. L'énoncé est plutôt savoureux, avouez ! Certes, on a encore en mémoire le "Spasebo Blues" de « Trial By Fire: Live In Leningrad » (1989), mais s'agissait-il vraiment de blues ? À moins de confondre death metal et folk, il serait difficile de répondre par l'affirmative. Désolé Yngwie, mais le blues c'est tout sauf un déluge de notes. Ça doit parler au coeur, à l'âme. Et ça, certains rockers l'ont intégré bien avant toi : Rory Gallagher, Johnny Winter ou Gary Moore, pour ne citer qu'eux. Et encore ! Aussi talentueux qu'ils aient pu être, ces guitaristes ne se feraient certainement pas taxer de "bluesmen" par les puristes. C'est dire ! Alors, Yngwie Malmsteen... Et on n'a pas fini de rire puisqu'une seule des huit reprises figurant au programme de ce « Blue Lightning » peut être cataloguée de "blues", le "Blue Jean Blues" de ZZ TOP (« Fandango! », 1975) ! En dehors de cette compo, c'est le grand portnawak : du Hendrix (passe encore !), du Clapton dans sa période muzak, du DEEP PURPLE (et pas période Coverdale, hein ! Je préfère prévenir !), du ROLLING STONES ("Paint It Black". Je vous jure que c'est vrai !) et du BEATLES !
Maintenant, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit non plus. Si le contenant est plus que discutable, le contenu, lui, est plaisant pour qui apprécie le style flamboyant du guitariste. Ce qui est mon cas depuis un bon paquet d'années. Certains titres passés à la moulinette "Malmsteen" sont même convaincants, mais ils sont plus à chercher du côté de DEEP PURPLE ("Demon's Eye" et "Smoke On The Water") ou d'Hendrix ("Foxey Lady" et "Purple Haze") que de celui des STONES ou des BEATLES. Un conseil, au passage, à ceux qui apprécient ce classique bourré de feeling qu'est "While My Guitar Gently Weeps" : n'écoutez pas la reprise d'Yngwie, vous risqueriez de faire une syncope ! J'allais oublier aussi les quatre titres originaux du maestro qui, s'ils s'inscrivent dans une veine un peu moins néo-classique que celle qui lui sert habituellement de marque de fabrique, n'ont pour autant pas grand-chose à voir avec le blues. Oui, bon, "Sun's Up Top's Down" fait quand même le boulot, mais pas de quoi troubler non plus le repos de John Lee Hooker... Quoique ! Reste que la voix du sieur Malmsteen n'est pas désagréable du tout et qu'elle se prête encore mieux à ce type d'exercice qu'aux chansons de ses deux derniers disques sur lesquels le Suédois s'occupait pratiquement de tout !
Au final, voici un album qu'il eût peut-être été plus judicieux de nommer « Inspiration II ». Histoire d'éviter les fous rires ! Toujours est-il qu'il est disponible depuis le 29 mars. Trois jours plus tard, le timing aurait été parfait...