23 octobre 2022, 17:46

LACUNA COIL - Chronique d'un classique revisité [Part. 1]

"Comalies" (2002)

Album : Comalies

1ère partie : « Comalies » (2002)

Lorsque les Milanais LACUNA COIL s’apprêtent à sortir leur troisième album, « Comalies », à l’automne 2002, le metal gothique, décrédibilisé par un trop plein de groupaillons aux ambitions un tantinet démesurées par rapport à leur talent, est en train de vivre ses dernières heures. THEATRE OF TRAGEDY, qui a délaissé son metal romantique pour une pop industrielle devant plus à Madonna qu’aux SISTERS OF MERCY, est sur le point de montrer la porte à sa chanteuse Liv Kristin, PARADISE LOST, qui s’est essayé à la synth-pop avec un certain succès, verse maintenant dans l’indus, THE GATHERING a oublié comment se servir de ses étranges machines et préfère marcher sur les pas de PORTISHEAD, tandis que WITHIN TEMPTATION, qui avait pourtant sorti un premier album doomesque à souhait, cède doucement aux sirènes symphoniques. Bref, l’avenir du genre semble aussi sombre que les lyrics de ses plus illustres représentants, et il n’y a guère que TYPE O NEGATIVE et MY DYING BRIDE pour continuer de faire illusion.

LACUNA COIL, conscient de cet état de fait (ou très bien conseillé ?), va suffisamment s’écarter des sentiers battus pour prendre sa fan-base et les critiques à revers. Sur leurs deux premières réalisations, en effet, « In A Reverie » (1999) et « Unleashed Memories » (2001), ainsi que sur deux EP de fort bonne facture, « Lacuna Coil » (1998) et « Halflife » (2000), les Transalpins, respectueux des conventions, s’étaient distingués par des chansons poignantes, tour à tour éthérées et heavy, sonnant comme autant d’hommages aux pères fondateurs. On pense en particulier à PARADISE LOST et THE GATHERING. Le tout mâtiné d’une mélancolie toute italienne sur certains morceaux (''Falling'', ''Falling Again'', ''Un Fantasma Tra Noi (A Ghost Between Us)'', ''Senzafine''). Un peu comme si les groupes précités s’étaient pris de passion pour la musique du Quattrocento !

Sans pour autant faire table rase de ces caractéristiques, « Comalies » innove déjà par la maîtrise qui s’en dégage. Aguerris par des tournées en première partie de SKYCLAD, MOONSPELL et THE GATHERING notamment, et plus soudés que jamais, Cristina Scabbia (chant), Andrea Ferro (chant), Marco ''Maki'' Coti Zelati (basse, claviers), Cristiano ''Pizza'' Migliore (guitare), Cristiano ''Criz'' Mozzati (batterie) et Marco ''Maus'' Biazzi (guitare) ont écrit leur « Master Of Puppets » ! Les musiciens sont effet parvenus à dépasser leurs influences pour aboutir à un résultat unique, mêlant la sensualité de « In A Reverie » à la lourdeur de « Unleashed Memories » et, puisant dans une inspiration nouvelle, s’offrent le luxe de proposer 13 titres aux allures de classiques. « Comalies » ne comporte aucun temps mort et varie les plaisirs en alternant chansons entraînantes (''Heaven’s A Lie'', ''Daylight Dancer'', ''Self Deception'', ''The Prophet Said'') et ambiances mélancoliques (''Humane'', ''The Ghost Woman And The Hunter'', ''Comalies''), voire dramatiques (le superbe ''Tight Rope'' précédé de son intro, ''Aeon'').

Cet élan de créativité, qui se traduit jusque dans le titre puisqu’il s’agit d’un mot-valise censé décrire l’état quasi hypnotique dans lequel était plongé le groupe au moment de l’écriture de l’album (''comalised'' signifie ''être dans le coma'' mais le suffixe est ici remplacé par ''lies'', ''mensonges''), se ressent également dans la direction musicale empruntée par le sextet. Plus assez gothique pour faire de l’ombre à PARADISE LOST (en 2002, « Draconian Times » n’est déjà plus qu’un lointain souvenir pour les cinq d’Halifax eux-mêmes !) mais trop metal pour être alternative, la musique de LACUNA COIL prend dès lors une tournure moins foncièrement européenne, plus ancrée dans le paysage heavy US. Toutes proportions gardées, « Comalies » préfigure le LACUNA COIL de « Karmacode », qui sera présenté en 2006 comme le chantre du "neo-metal au féminin" (sic) par les médias internationaux. Mais pour l’heure, les Milanais ont encore un pied fermement ancré en Europe, ne serait-ce que dans le son, concocté par le fidèle Waldemar Sorychta, présent depuis le premier EP du groupe.

Des progrès considérables ont aussi été réalisés au niveau des mélodies vocales, et Andrea, que d’aucuns considéraient jusqu’ici comme un Nick Holmes du pauvre, fait preuve d’une plus grande maîtrise et s’affirme désormais comme le partenaire idéal de Cristina. La petite italienne, dont la tessiture assez grave la distingue de la foultitude de sopranos qui officient dans le metal gothique, signe quant à elle une performance mémorable, particulièrement sur ''The Ghost Woman And The Hunter', ''Entwined'' et ''Comalies'', des chansons qui doivent beaucoup au chant plein d’émotion de la belle. Les trouvailles électroniques de Maki, le bassiste et principal compositeur du groupe, qui œuvre également aux claviers et à la programmation, donnent un charme particulier à certaines chansons (''Tight Rope'', ''Humane'') sans pour autant que cela se fasse au détriment des guitares. On ne va pas se mentir, LACUNA COIL n’a jamais été connu pour truffer ses morceaux de soli démentiels, mais "Pizza" et "Maus" signent ici quelques très beaux riffs (''Self Deception'', notamment) et bénéficient de la production léchée de Waldemar Sorychta.

Succès critique instantané, « Comalies » peine toutefois à trouver son public. Il faudra que les stations radio US diffusent en boucle le 1er single tiré de l’album, ''Heaven’s A Lie'', près de deux ans après la sortie du disque, pour que le succès soit au rendez-vous. Avant cela, LACUNA COIL n’avait pourtant pas ménagé ses efforts puisque les Milanais avaient tourné sans relâche en Europe fin 2002 avant de passer la majeure partie de 2003 à écumer les clubs US. Deux versions du 1er clip-vidéo de l’histoire du groupe, ''Heaven’s A Lie'', avaient été tournées, la seconde (et la plus connue) étant même dirigée par le très coté Patric Ullaeus.

Mais il était écrit que l’année 2004 devait être l’année « Comalies ». Quand, pendant l’été de ladite année, LACUNA COIL ouvre les hostilités sur la seconde scène du Ozzfest, Cristina et les siens commencent à profiter des retombées des diffusions radio de ''Heaven’s A Lie'' et d’une édition spéciale Ozzfest de l’album parue quelques semaines auparavant, avec un second CD comportant des versions acoustiques de plusieurs chansons ainsi que des versions radio-edit de ''Heaven’s A Lie'' et ''Swamped'', le second single, tourné lui aussi en clip-vidéo par Ullaeus, qui commence à faire grand bruit. À un moment donné, les ventes de « Comalies » deviennent si énormes qu’elles surpassent, en ventes hebdomadaires, celles cumulées de tous les autres groupes de la seconde scène, à savoir BLACK LABEL SOCIETY, SUPERJOINT RITUAL et DIMMU BORGIR ! Le disque finira par dépasser la barre des 200 000 exemplaires vendus rien qu'aux États-Unis et deviendra la plus grosse vente de l’histoire du label Century Media Records. Dès lors, Cristina Scabbia deviendra, bien malgré elle, l’équivalent metal de Madonna, une diva qui squattera toutes les couvertures de la presse consacrée au rock lourd. Personne ne se doute alors que « Comalies » subira un étonnant lifting pour son 20e anniversaire...

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KillMunster est né avec le metal dans le sang. La légende raconte que quand Deep Purple s'est mis à rechercher un remplaçant à Ian Gillan, le groupe, impressionné par son premier cri, faillit l'embaucher. Avant finalement de se reporter sur David Coverdale, un poil plus expérimenté. Par la suite, il peaufina son éducation grâce à ses Brothers of Metal et, entre deux visionnages d'épisodes de la série "Goldorak", un héros très "métal" lui aussi, il s’époumona sur Motörhead, Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath et de nombreux autres ténors des magiques années 70. Pour lui, les années 80 passèrent à la vitesse de l'éclair, et plus précisément de celui ornant la pochette d'un célèbre album de Metallica (une pierre angulaire du rock dur à ses yeux) avant d'arriver dans les années 90 et d'offrir ses esgourdes à de drôles de chevelus arrivant tout droit de Seattle. Nous voilà maintenant en 2016 (oui, le temps passe vite !), KillMunster, désormais heureux membre de Hard Force, livre ses impressions sur le plus grand portail metal de l'Hexagone. Aboutissement logique d'une passion longuement cultivée...
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