Il est des groupes qui reviennent de loin. Et ce n’est pas peu dire dans le cas présent, on croyait SORTILEGE aussi oublié qu’une légende atlante noyée sous le déluge. Rendez-vous compte, depuis 1986 nous pleurions sur nos vinyles le son d’un heavy metal audacieux, à la française, incapables d’imaginer un retour en dehors de concerts commémoratifs. Et voilà que depuis trois ans nous entendons balbutiements et rumeurs... changements de line-up, réenregistrements et offrandes de quelques inédits, apparitions çà et là dans des festivals, puis triomphe sur la mainstage au Hellfest en 2022. Zouille le frontman du groupe est de retour, accompagné de mercenaires issus de formations de talent, telles LYSANXIA, MANIGANCE, ou encore SATAN JOKERS. Comme une union sacrée du metal français. Voici « Apocalypso », le premier album de SORTILEGE depuis... 37 ans.
De réels tambours tribaux résonnent en introduction de "Poséidon". On est dans de la production ambitieuse, avec des riffs heavy metal bien entraînants sur les lesquels Zouille livre une prestation exemplaire, sa voix porte haut et loin, telle un air siren frenchy. SORTILEGE n’est pas là pour compter les moutons. C’est un retour vers la nostalgie, un comeback rentre-dedans, teinté de l’authenticité que nous attendions, avec les soli typiques, beaux et aériens. Changement de cap avec "Attila", plus bourrin avec une rythmique presque thrash et des chœurs puissants. Sur l'album SORTILEGE accueille des invités de qualité, sur ce morceau c’est maître Buriez (LOUDBLAST) en personne, qui par l’odeur alléché vient donner de son bec puissance et ampleur au titre, alors que les guitares s’envolent comme possédées. Je vous ai dit que c’était bien teigneux, honnêtement vérifiez par vous-mêmes. Tant qu’à faire dans l’invité de luxe, les Tunisiens MYRATH apportent quant à eux une touche metal, brillant des mille et un feux de l’orient dans "Derrière les Portes de Babylone". Quel chanson mes amis ! Musique hypnotique tout en force retenue à grande peine, texte grave et sombre à l’appui. SORTILEGE réussit plus qu’un retour, il s’agit d’une évolution constante dans le style, un metal bouillant en fusion. Fermons les yeux, les cordes et chants berbères nous transportent au-delà de l’imagination la plus folle. Carthage est à nouveau dévorée, cette fois par les flammes de la passion heavy.
Après le péplum nord-africain direction l’épopée moyenâgeuse avec "Le Sacré du Sorcier". Du power-metal, avec un cogneur aux fûts qui évoque l’âge d’or de HELLOWEEN, une basse lourde et entêtante, un chant païen sans fioritures et des riffs solides, luisant d’huile grasse. Un hymne à jouer en live, assurément. SORTILEGE repart sur un riff très agressif avec "La Parade des Centaures", avec à nouveau le Stéphane Buriez qui vient exceller avec sa voix de père sévère. Bubu sait toujours flairer les bons plans, il apporte son savoir chanter sur un disque déjà riche en bonnes surprises. Magnifique duo avec la voix claire de Zouille, que les guitares viennent mettre en valeur de la plus belle des façons. Pas question de baisser le rythme puisque l’on enchaîne avec "Walkyrie" dont la teneur galopante et lourde illustre fort bien le titre, l’héroïque metal traverse nos sens. Cris aigus porteurs de folie guerrière, ces riffs à renverser tout stoïcisme, c’est un nouveau régal pour nos oreilles.
Ballade nostalgique de rigueur, "Encore un Jour" vient nous rappeler comme il était doux d’emballer les filles dans les années 80, mains sur les hanches et soli aiguisés. On s’y croirait à nouveau, quelques rides en plus. Un titre qui fait... boom ! L’instant câlin passé on repart sur "Trahison" (faut-il y voir un message ?), plus incisif, du SORTILEGE empreint de classicisme, mais énormément rythmé. "Vampire" nous marquera plus, par son speed metal que rien ne semble stopper, et par ces paroles qui fusionnent brillamment avec les riffs. Et les riffs parlons-en, les accélérations portent un côté "Countdown To Extinction" de MEGADETH, donc une jouissance pure. Nous approchons de la fin sans rester sur notre faim, incroyable est la puissance entraînante de ce morceau de jouissance heavy et passionnée. Quand "Apocalypso" survient, martial et cérémoniel, avec le pianiste Kevin Codfert, on regrette de devoir descendre de notre fougueuse monture et de marcher à nouveau vers la réalité.
37 ans après « Larmes de Héros », l’album que nous n’attendions plus. Et c’est un sans-faute. De la puissance et de l’inspiration, des paroles inspirées aussi, SORTILEGE le phénix est de retour et étend les ailes de sa puissance au-dessus de nous. Le cap du troisième album enfin passé, la confirmation atteinte. Mieux vaut tard que jamais. Heavy metal thunder comme dirait l’autre. Classe... et classieux !