8 avril 2023, 12:17

LE JOUR OÙ…

PARKWAY DRIVE a suivi une thérapie pour sauver le groupe


Les tensions internes jusqu’au point de rupture, c’est un grand classique des musiciens qui ont vécu trop longtemps ensemble. Comme METALLICA qui, en 2004, a immortalisé sa thérapie de groupe avec le film Some Kind Of Monster, PARKWAY DRIVE aussi a eu recours à une aide extérieure pour ne pas imploser après l’enregistrement de son dernier album en date, « Darker Still », sorti en septembre 2022.
 

La pandémie aura fait des ravages au sein des groupes. Privés de ce qu’ils savent faire le mieux – composer des chansons et donner des concerts –, beaucoup ont été à deux doigts du split et PARKWAY DRIVE n’aura pas échappé à la crise. Alors que les Australiens se sont hissés patiemment au sommet de la hiérarchie metal avec, pour seuls coups d’éclat, leur musique, du metalcore devenu plus heavy et sombre au fil des années, et leurs prestations live incendiaires, dans tous les sens du terme, la crise sanitaire, véritable accélérateur de stress et d’ondes négatives, a bien failli leur être fatale.

En avril 2022, alors qu’un semblant de normalité est à nouveau à l’ordre du jour, les cinq hommes annulent brutalement leur tournée américaine. Dans la foulée, ils publient un communiqué sur leurs réseaux sociaux dans lequel ils expliquent qu’après presque 20 ans d’existence, ils ont besoin de temps pour reconsidérer les liens qui les unissent ainsi que leurs priorités, une démarche absolument nécessaire pour que PKD puisse continuer, assurent-ils. « On dit qu'il vaut mieux partir sur un coup d'éclat que s'éteindre peu à peu. Nous ne voulons ni l'un, ni l'autre, alors sachez qu'à notre retour, nous brillerons plus fort qu'auparavant » peut-on lire en guise de conclusion. Non sans qu'ils précisent que leur tournée européenne, reprogrammée déjà à deux reprises en raison de la pandémie, est maintenue pour l’automne. Tout espoir n'est donc pas perdu pour les fans.

Le point de non-retour a été franchi pendant l’enregistrement de « Darker Still » (deux chroniques à retrouver ici et ), leur septième et dernier album studio en date. Il a d’abord vu l’ambiance salement dégénérer entre Jeff Ling, le soliste, et Winston McCall, le chanteur. Le premier ne parvient plus à supporter la pression, dans le groupe et dans sa vie privée. Et dit à l’époque détester ce qu’est devenu PARKWAY DRIVE. Le second, qui passe le plus de temps en studio avec lui, devient son punching-ball émotionnel et encaisse de plus en plus mal les coups. Et, alors que les Australiens mettent les touches finales au disque, qu’ils décriront à l’époque comme « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », plus personne n’a envie de continuer...


​Voilà qui prouve, une fois de plus, l’immense décalage qui existe la plupart du temps entre la vie des groupes célèbres telle qu’on l’imagine et la réalité. Car tous ceux qui ont approché les musiciens originaires de Byron Bay, une ville côtière du Sud-Est de l’Australie, vous diront à quel point ils sont humbles, terre-à-terre. Des mecs tout à fait normaux, sans ego, et ce, bien qu’ils figurent parmi les plus gros vendeurs d’albums nationaux à l’export et jouent en tête d’affiche dans les plus grands festivals européens, dont le Wacken Open Air Festival en 2019, point d’orgue de leur documentaire Viva The Underdogs commercialisé un an plus tard. Loin de l’image de rockstars barrées dans leur monde, le succès ne leur est absolument pas monté à la tête. Du moins avec les personnes extérieures au groupe. Car au sein de PKD s’est développée – comme chez tant d’autres groupes – « une masculinité toxique » (ah, les jolies expressions des années 2020 !). Soit l’attitude qui consiste, entre autres, à ne jamais baisser la garde et à avouer ses faiblesses ou sa vulnérabilité. Ni à se faire le moindre cadeau. Et c’est ainsi que deux décennies de tournées intensives, en vase clos, à gravir les échelons qui mènent à la reconnaissance internationale ont bien failli leur être fatales.


​C’est Luke Kilpatrick, le guitariste rythmique, également manager et trésorier, qui, le premier, va conseiller une thérapie de groupe, une décision vitale pour sauver le soldat PARKWAY DRIVE qui a bien failli imploser en studio. Une proposition accueillie sans grand enthousiasme par les autres. Mais tous ont vu Some Kind Of Monster, édifiant film sorti en 2004 qui suivait METALLICA au bord de la crise de nerfs et du gouffre. Alors, si l’un des plus grandes groupes de metal de la planète s’est montré dans toute sa fragilité et qu’il est toujours là, tout en haut de la pyramide presque vingt ans plus tard, ça vaut le coup d’essayer, non ? « Nous avons tous quitté le lycée dans les années 90, sans diplôme. Nous ne savons rien faire d’autre que de la musique. Je ne vois pas comment nous pourrions nous intégrer dans la société si le groupe s’arrêtait » concédera le frontman pyromane pour expliquer ce qui prend des airs de plan de la dernière chance. 

Parmi les nombreuses raisons de cette crise, on peut citer, dans le désordre, deux décennies dans la spirale infernale album-tournée-album. Mais aussi les traditionnels problèmes financiers auxquels sont confrontés tous les groupes le jour où arrivent – enfin ! – des rentrées d’argent conséquentes. « A l’époque de « Reverence » (2018), on s’est littéralement déchirés, avoue Kilpatrick. "Moi, j’ai écrit tel riff, je vaux donc tel pourcentage, toi tel autre"... Une vraie boucherie. » Quant au chanteur, il reconnaît que les premières fêlures sont apparues trois ans plus tôt, à l’époque de « Ire », mais que « le groupe a collé quelques sparadraps de-ci, de-là pour l’enregistrement de « Reverence » et a continué comme si de rien n’était. »
 

« Nous avons tous quitté le lycée dans les années 90, sans diplôme. Nous ne savons rien faire d’autre que de la musique. Je ne vois pas comment nous pourrions nous intégrer dans la société si le groupe s’arrêtait. » – Winston McCall


Mais surtout, le burn-out vient en partie de leur état d'esprit. « La seule chose que l’on attendait de la vie, c’était de faire du surf et de vivre dans une caravane, analyse le frontman. Et de se torcher la gueule le soir. » Au départ, vivre de leur musique n’était même pas un rêve. Car le quintet est en partie victime de la mentalité australienne qui veut tacitement que l’on ne doit pas s’élever au-dessus de sa condition. En termes plus crus, mais fort rock’n’roll : ne pas péter plus haut que son cul. « Avec le groupe, nous avons évolué selon un concept qui veut que si aucun d’entre nous n’est quelque chose, alors nous sommes tous égaux. Alors, plutôt que créer une saine émulation pour nous aider chacun à nous dépasser, nous nous sommes entre-déchirés, analysait McCall à l’occasion d’une interview avec The Guardian en septembre dernier. Nous avons passé sous silence toutes nos réussites et tous nos points forts de peur d’être traités de branleurs par les autres. » 

Même si cinq de leurs sept albums studio ont été certifiés disque d’or dans leur pays natal (soit un minimum de 35 000 copies vendues, je vous épargne les calculs imbitables à base d’équivalences en streamings et autres téléchargements), et que les trois derniers se sont classés en tête des charts nationaux, les Australiens gardent presque un sentiment d’imposture, eux qui se considèrent toujours un peu comme les joyeux dilettantes qui, à leurs débuts, ne maîtrisaient pas vraiment leurs instruments. « On a monté le groupe principalement parce qu’on avait envie que nos amis moshent en écoutant notre musique » confirme Ben Gordon, le batteur.


Le groupe avoue sans ambages que les premières séances de thérapie, dans une clinique de Mullumbimby, ont été particulièrement éprouvantes. Que certains musiciens ont pleuré. Une fois par semaine, dès le mois d’avril 2022, ils se retrouvent pour une session durant parfois jusqu’à cinq heures d’affilée qui les laisse exténués. Car ils découvrent non seulement leurs failles personnelles, mais aussi ce que les autres pensent d’eux, sans que jamais le sujet n’ait été abordé pendant vingt ans. « C’est à ce moment-là que j’ai appris que le reste du groupe se moquait complètement de mes lyrics, qu’il ne voyait que la musique. Qu’il ne comprenait pas à quel point j’y mets une grande part de moi-même, avec toute la douleur et la tristesse que cela peut parfois engendrer selon les sujets abordés, et que les interpréter tous les soirs en tournée pouvait avoir une résonance particulière pour moi. Et aussi qu’il avait l’impression que je vivais dans une tour d’ivoire » souligne Winston, blessé.
Il découvre aussi que tous ne vivent pas bien le statut de leader que prend – parfois malgré lui, comme c’est ici le cas – le chanteur d’un groupe, plus particulièrement en concert. « Sur scène, même si les fans me posent sur un piédestal, je suis un mec comme les autres. C’est un défi pour moi de faire cohabiter cette espèce d’icône avec la réalité de mon existence qui est tout ce qu’il y a de plus ordinaire. » Pas le genre de remise question que s’imposent un certain nombre de chanteurs bouffis d’orgueil, cela dit. Ou alors, ils font bien semblant.
 

« Sur scène, même si les fans me posent sur un piédestal, je suis un mec comme les autres. C’est un défi pour moi de faire cohabiter cette espèce d’icône avec la réalité de mon existence qui est tout ce qu’il y a de plus ordinaire. » – Winston McCall


Jia O’Connor, bassiste de PARKWAY depuis maintenant 17 ans, se voyait quant à lui comme un éternel second couteau. Une pièce rapportée, sans aucune légitimité. Plutôt que de chercher un musicien confirmé quand Shaun Cash les a quittés en 2006, ils ont préféré faire appel à un pote, O’Connor donc. Un fan du groupe qui s’occupait de vendre leur merchandising et qui n’avait jusqu’alors jamais touché un instrument de sa vie. Il a donc appris sur le tas avec des débuts évidemment laborieux. Pourtant, il s’est toujours (et a toujours été) considéré comme "le remplaçant". D’autant plus qu’il n’était qu’un simple employé du groupe (à l’image de Jason Newsted chez METALLICA). Le fait qu’il soit sous contrat et moins payé que les autres musiciens n’a pas fait grand-chose pour redorer son estime de soi et a engendré de la rancœur.

Jia avoue d’ailleurs qu’il a eu du mal à y croire quand les autres l’ont convié à se joindre à eux après plusieurs séances de thérapie à quatre. Et encore plus quand ils ont reconnu qu’il avait de l’importance à leurs yeux. Il leur a alors confié que depuis 2016, il vivait avec la culpabilité de les avoir fait passer avant sa compagne en partant en tournée avec eux, pour ne pas les lâcher, alors qu’elle souffrait d’un cancer. Cette dernière lui avait donné son feu vert. Avant de changer d’avis à la veille du départ, mais Jia s’était engagé et n’est pas revenu sur sa décision qui aurait mis en péril leur tour. Il ne l’a jamais revue puisqu’elle est décédée en son absence... A l’issue de la séance, ce dernier est passé du stade d’éternel intérimaire à celui de membre officiel de PARKWAY. Mieux vaut tard que jamais...

On peut saluer l’honnêteté des Australiens qui, malgré l’agressivité de leur musique, n’ont pas hésité à révéler leurs failles. Bien malin qui pourra les déceler sur scène en tout cas, au vu de leurs prestations live incendiaires (humour, mais pas que). On peut espérer qu’ils vivent désormais en meilleure harmonie qu’avant. Ils disent en tout cas souhaiter que leur expérience puisse aider à un changement de mentalité dans le metal face aux problèmes mentaux qui touchent de plus en plus d’artistes. Et qu’elle fera comprendre aux groupes, du plus modeste au plus grand, l’importance vitale que revêt la communication entre ses membres. Bienvenue à PARKWAY DRIVE 2.0. Viva the underdogs ! 


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Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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