16 avril 2023, 23:59

CANNIBAL CORPSE + DARK FUNERAL + INGESTED + STORMRULER

@ Lille (Le Splendid)

Ce soir, c’est encore une belle affiche que Garmonbozia et A Gauche de la Lune nous proposent. Un plateau de quatre groupes qui comporte deux icônes de la scène extrême des années 90, les vétérans américains CANNIBAL CORPSE et les Suédoise DARK FUNERAL. En attendant, nous prenons le temps de la découverte. Celle de STORMRULER venu de Saint-Louis dans le Missouri qui propose un black metal mélodique, et INGESTED de Manchester et son slam/brutal deathcore.

Comme tous les dimanche soir, les concerts commencent plus tôt et il est appréciable de savoir à l’avance que les hostilités commencent une demi-heure avant l'heure initialement prévue en raison d’une affiche chargée, et de connaître aussi les heures de passages de chaque groupe. Cette soirée s’annonce torride car c’est un Splendid sold-out qui accueille cette grande messe du death et black metal.

Lorsque les portes ouvrent à 18h, c’est une longue file d’attente qui patiente tranquillement pour accéder à la salle dans une parfaite incarnation du calme avant la tempête, celle de la rencontre des forces du mal et de l’appétit carnassier de ceux qui ont franchis le seuil de l’au-de-là. Comme annoncé, STORMRULER fait son apparition sur scène à 18h30, à l'emplacement laissé libre par le matériel des maîtres de la soirée. Après une courte intro, c’est un quatuor en tenue cloutée qui se retrouve sous les projecteurs. Il se compose du duo fondateur Jesse Schobel (batterie) et Jason Asberry (chant et guitare), accompagné de Derek Engemann (basse) et Nick Burks (guitare). Sans autre artifice que leurs tenues de scène, ils nous interprètent "Reign Of The Winged Duke", le seul titre extrait de leur premier album, « Under the Burning Eclipse » (2021). Bien que les instruments soient audibles, le son est toutefois médiocre et la caisse claire est trop forte. Néanmoins, et malgré sa jeunesse, cette histoire de règne d’un duc ailé et d’éclipse solaire pourrait bien nous laisser imaginer que le groupe souhaite nous emmener dans une sorte de mordor qui pourrait être la transposition de la décadence du monde maya. La suite sera consacrée à leur dernier album paru en octobre 2022 « Sacred Rites & Black Magick », avec justement la chanson-titre qui comme la précédente propose un tempo rapide. D’ailleurs, quel endroit pourrait paraître plus adéquat qu’une forêt ombragée de Roumanie rasée au cours des XVIIIe et XIXe siècles et dont la disparition nourrit la légende de ces personnages maléfiques ("In The Shaded Vlasian Forest”). En particulier, si l’on transpose l’histoire l’hiver sur les bords gelés du Danube ("Upon Frozen Shores"). A n'en douter, cette histoire ne peut que susciter la colère et la réprobation du religieux ("Internal Fulmination Of The Grand Deceivers"). Court, simple et efficace, STORMRULER n’est guère démonstratif, mais il a su défendre sa musique, malgré des conditions peu favorables. La preuve, le circle-pit qui s’organise sur le dernier morceau prouve que STORMRULER a, en l’espace d’une demie heure, su rallier à sa cause un public déjà très important, même si la salle n’accueille pas encore le millier de personnes attendues.

Avant de nous rendre aux funérailles, INGESTED débute avec le premier single qui était sorti pour annoncer l'album « Ashes Lie Still » paru en novembre 2022. Si l’espace est toujours restreint, les backdrops de scène et celui sous lequel on devine deux des groupes à venir permettent d’habiller la scène. La rapidité d'exécution des morceaux prouve que INGESTED n’est pas là pour faire dans la demi-mesure. Si le quatuor semble déterminé à marquer les esprits avec sa performance, le chanteur Jay Evans assure son rôle de leader en s’adressant au public afin de l’impliquer. Après avoir présenté le groupe et ses membres, c’est dans une ambiance d’une blancheur froide qu’il annonce "Shadows In Time", autre titre du dernier album. Le public est manifestement conquis car lorsqu'Evans invite la fosse à se séparer en deux pour un gigantesque mur de la mort, il le fait volontier et il faut bien l’avouer nous n’avons pas souvent vu une telle furie. Si le dernier album est logiquement mis à l’honneur, INGESTED n’oublie pas ses prédécesseurs. C’est ainsi qu’après avoir invité le public à visiter le stand de merchandising, ils enchaînent avec "I, Despoiler". Sans se reposer sur ses lauriers, "Impending Dominance" et "Invidious" illustrent à quel point Lyn Jeffs fait partie de ce type de batteurs ultra-rapides qui impressionnent par la facilité avec laquelle ils jouent en donnant l’impression de s’ennuyer.
Après de chaleureux remerciements, le groupe exécute un dernier extrait de l’album « Echoes Of Hate » et s’éclipse sous les ovations. Si cette prestation est plus que convaincante, on peut regretter l’absence du second guitariste qui nécessite d’utiliser des samples pour en assurer les parties, ce qui à certains moments ne passe pas inaperçu...

Nous aurions pu imaginer bénéficier d'une co-tête d’affiche, mais il n’en est rien, et DARK FUNERAL doit se contenter du même espace que ses deux prédécesseurs et d’un set d’une cinquantaine de minutes. Le superbe backdrop qui arbore le logo du groupe et la silhouette d’un inquiétant vampire est éclairé de rouge. C’est sur une scène plongée dans la pénombre que les cinq prêtres de l’apocalypse font leur entrée d’un pas lent, ce qui accroît la pesanteur ambiante. Si cette arrivée est accueillie par une grande clameur, c’est avec retenue que le public regarde le groupe exécuter "We Are The Apocalypse", chanson titre du dernier album de mars 2022. Si l’entrée était plutôt réussie, le headbanging peu naturel du guitariste Chaq Mol et du bassiste Adra-Melek leur donne un aspect d’automate. Avant de revenir sur les deux derniers albums qui composent les deux tiers de la set-list, DARK FUNERAL nous propose de plonger dans le passé avec "The Arrival Of Satan’s Empire". Si le titre est rapide, le public, à l’exception de quelques fans, reste globalement statique. Il faut dire que s'il réagit lorsque le chanteur Heljarmadr l’invite à faire du bruit, il est lui-même très statique. Après tout, l’ambiance black metal invite plus au recueillement ("My Funeral") qu’à la folie festive. Avant d’entamer "The Secrets Of The Black Arts", Heljarmadr en profite pour tenter de briser la glace et d'échanger avec le public. Toutefois, ce n’est pas le mid-tempo de "When I’m Gone" qui lance réellement le show. Bien que beaucoup plus puissant, "Nail Them To The Cross", introduit par la mise en scène d’un christ renversé, n’est guère convaincante. Néanmoins, "Unchain My Soul" réussit à faire réagir le public puisque qu'il suscite des applaudissements et quelques pogos.
Le groupe quitte la scène pour laisser Jalomaah se lancer dans un solo de batterie plutôt inhabituel dans ce genre musical. Le groupe fait son retour de façon martiale pour interpréter "Let The Devil In" pour terminer sa prestation avec "Where Shadows Forever Reign". Alors que le groupe salue les spectateurs avant de retourner backstage, la clameur qui s’élève prouve néanmoins que le public a apprécié la performance. Nous aurions pu toutefois espérer beaucoup mieux de ce groupe que nous avions découvert dans la cave du Rockline en 1996 et 1997. En effet, après trente ans d’existence, DARK FUNERAL aurait pu développer un visuel riche au service de sa musique. 

Le temps de débarrasser la scène, l’intégralité de l’espace se découvre pour la laisser apparaître avec peu d’artifice en dehors du backdrop qui arbore un gigantesque logo CANNIBAL CORPSE en lettre de sang. Pour les américains, jouer au Splendid est un peu comme jouer à la maison car c’est la cinquième fois que nous les voyons fouler les planches de cette salle. Neuf ans se sont écoulés depuis la dernière prestation et le public est une fois de plus au rendez-vous. C’est donc devant un Splendid plein à craquer que le groupe fait son apparition sous une ovation et une entrée en matière ultra-violente avec "Scourge Of Iron" qui ne laisse aucun doute. Les 90 prochaines minutes vont être tout simplement un véritable carnage. Le public est immédiatement pris d’une folie furieuse comme s’il avait besoin de libérer un trop plein d’énergie emmagasiné pendant de bien tristes funérailles qui auraient pu se transformer en une sorte de torture mentale, si elle avaient durée plus longtemps.

Sans transition, "The Time To Kill Is Now", les gobelets volent et le public est s'emballe, emmené par un groupe survolté. L’association du jeu ultra-rapide et de la folie frénétique du public est presque inhumaine, mais elle fait l’unanimité sur "Inhumane Harvest". La prestation est peu visuelle, l’attitude des musiciens est classique. Alex Webster est dans sa bulle et concentré sur son jeu de basse. Caché derrière sa batterie, Paul Mazurkiewicz impose un rythme effréné. Rob Barrett reste stoïque. De son attitude se dégage une puissance tranquille assez déconcertante et décalée avec son look qui lui donne des airs de guitariste échappé d’un groupe de rock sudiste. Comme à son habitude George "Corpsegrinder" Fisher headbang généreusement lorsqu’il n’exprime pas sa furie. Arrivé en 2020, le guitariste Erik Rutan fait preuve de moins de détachement que son comparse. "Code Of The Slashers" est accueillie par une énorme ovation du public. C’est la guerre dans la fosse. Ça slamme dans tous les sens. Lorsque Rutan invite le public à faire entendre sa voix, c'est une clameur qui s’élève à l’unisson.

Premier break, histoire de se rappeler que nous ne sommes pas des mort-vivants assoiffés de chair fraîche. Le public trouvant la pause un peu longue, invite le CORPSE à se dépêcher pour aiguiser ses couteaux afin de reprendre le cours normal de l’orgie ("Fucked With a Knife"). Il ne fait aucun doute qu’au premier degré cette soirée serait somme toute bien misérable ("The Wretched Spawn"), mais le public est là pour s’amuser follement et il en profite pleinement. Contrairement à ce que les mauvaises langues pourraient laisser penser, il n’est question d’éviscération que dans les paroles de "Gutted" et non dans les actes. Avant une nouvelle pause, c’est la chanson "Kill Or Become" qui est interprétée avec toujours autant de violence. Une fois désaltéré, Rutan dédicace au public "I Cum Blood" qui se traduit dans le public par un gigantesque gangbang de sueur; le résultat d’une overdose positive que du fléau d’une jeunesse à la dérive ("Evisceration Plague").

A l’occasion d’une nouvelle pause, le public semble montrer quelques signes de fatigue car il tarde à rappeler le groupe et avec moins d’intensité. Si dans l'extrême violence d’un concert de CANNIBAL CORPSE il est question de mort et de terreur ("Death Walking Terror"), l'excitation du public agit comme un antidote qui condamne toute contagion à l’échec ("Condemnation Contagion"). Devant une telle démence, c’est le sentiment d’immoralité qui prédomine avec "Necrogenic Resurrection". Devant tant de folie, on imagine que le public va soudainement perdre la tête et se transformer en une horde de mercenaires assoiffée de sang ("Unleashing the Bloodthirsty"), abandonnant les cadavres à la vermine ("Devoured by Vermin") pendant que les asticots se nourrissent de matière grise ("A Skull Full of Maggots"). Pas le temps de sortir pour un éventuel rappel. De toute façon, vu l'ambiance, il ne fait pas de doute que le public en veut encore et encore. C’est à se demander si toute addiction positive poussée à son paroxysme n’est pas une forme de masochisme ("Stripped, Raped and Strangled") ? Il ne fait aucun doute que CANNIBAL CORPSE n’a pas fait dans la dentelle ("Hammer Smashed Face") et cela pour le plus grand bonheur de l'assistance.
Il est 23h et c’est un public dégoulinant de sueur qui évacue calmement le Splendid pour une nuit de repos bien méritée et sans cauchemars.

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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