22 août 2023, 17:36

Alice Cooper

"Road"

Album : Road

On s’était sacrément emballé sur le dernier Cooper, « Detroit Stories », paru en 2021 – et à juste titre. On vous épargne sa contextualisation au cours de notre (toujours ?) loooooongue chronique ICI, mais au moins, voilà ce que nous assumions alors : « On peut d’ailleurs d’ores et déjà s’avancer en criant haut et fort que « Detroit Stories » est de loin le meilleur album d’Alice Cooper depuis plus de quinze ans, même s’il aurait encore gagné à être un poil plus concis (...) Et c’est donc précisément entre « The Eyes Of Alice Cooper » et « Dirty Diamonds » que se situe ce « Detroit Stories » inespéré ! »

Et forcément, c’était couru d’avance, l’on s’emballe à nouveau. Grave. Effet nouveauté ou enthousiasme adolescent oblige (comment ça ?), c’est de facto « Road » qui s’y substitue. 

Sans grande surprise, on a à nouveau affaire ici à du rock’n’roll. Mais surtout du putain de rock’n’roll potache – puisqu’il apparaît littéralement concocté entre potes, à savoir son autre petit club privé de musiciens qui l’accompagnent sur les routes, oui, les mêmes depuis déjà près de dix ans. Un gang qui, au complet, n’avait encore jamais brillé sur album, Alice préférant s’entourer d’autres mercenaires aguerris pour gagner en efficacité, ou encore de nombreux guests bankables susceptibles d’attirer d’autres publics comme à l’époque des « Trash » et « Hey Stoopid ». Seulement il y avait quand même un hic sur ces « Detroit Stories » et autres « Paranormal » : si l’un était certes parfaitement troussé et l’autre trop aseptisé, standardisé et appliqué, aucun des deux ne rendait donc hommage à cette clique d’intrépides pistoleros, et jamais cette garde rapprochée ne semblait avoir enfin été récompensée de son labeur – même si l’on retrouve Ryan Roxie ou Chuck Garric sur bon nombre de ses albums depuis plus de vingt ans, sans parler de Tommy Henriksen. C’est donc avec une certaine spontanéité, toute relative (l’album est quand même à nouveau produit par le pointilleux Bob Ezrin !), que le chanteur s’est strictement entouré en studio de ses fidèles musicos de tournée, en écrivant la quasi-intégralité de ces nouvelles compositions tous ensemble – et c’est même le premier album où figure la délicieuse Nita Strauss, quand même à ses côtés depuis 2014, et qui a énormément gagné en reconnaissance internationale depuis. C’est un autre de ses atouts...

Bien sûr Mademoiselle Strauss (bientôt Madame, hélas...) brille-t-elle avec sa maîtrise ici relativement sobre du shred et taille au silex les angles de certaines compos sensiblement plus metal – ou plus modernes, tel le génial ''White Line Frankenstein'', single déjà connu qui occupe une place entre Rob Zombie (fils spirituel bientôt en co-headliner sur leur prochaine énième tournée ensemble) et BLACK STONE CHERRY, avec, surprise ! Un solo signé Tom Morello. Et pour ceux qui aiment les chiffres, c’est déjà la troisième chanson qui subtilise le nom du célèbre savant fou, après ''Teenage Frankenstein'' (tiens, il y a même le revenant Kane Roberts qui vient faire une apparition) et le tube ''Feed My Frankenstein''. Un peu de metal donc, avec ces soli ébouriffants et une poignée de riffs bien heavy (''The Big Goodbye'', ce ''Dead Don’t Dance'' à la rythmique très Zakk Wylde), mais surtout du hard rock et du rock'n'roll donc – voire du boogie à la ZZ TOP, du garage-punk (oui !), du rythm'n'blues très Detroit, tout en passant par l’exercice rassurant de la bonne vieille ballade, ici l’obligatoire et très classique ''Baby Please Don’t Go''. 

Sur ce « Road », ce n’est pas ce bon vieux Monsieur Furnier respectable qui hante les centres commerciaux d’Amérique (si si !!!) ou les greens des golfs internationaux en tapant la balle avec Donald Trump ou Jimmy Carter : là c’est le Coop toujours encanaillé qui grogne et qui n’a rien oublié de ses années de jeune sauvageon tant lâché sur les routes que dans les salons mondains hollywoodiens – l’homme pouvait autant fréquenter Iggy Pop que Groucho Marx, John Lennon que Raquel Welch, toujours une Budweiser ou une bouteille de whisky canadien à la main. Des anecdotes de tournées, il nous en partage quelques-unes, non sans son humour mordant, notamment à travers ce truculent ''Go Away'', qui sent le vécu. Car outre son talent de showman et de performer hors pair, on néglige souvent de souligner à quel point Alice Cooper est surtout un fin parolier, extrêmement habile et caustique, tant à l’aise dans l’incarnation de son personnage théâtral (''I’m Alice'' ouvre d’ailleurs le bal, de manière autoritaire, presque arrogante !), que dans l’Art de raconter des petites histoires folles, inventées de toutes pièces, et dignes de journaux-torchons comme News Of The World, dont l’imagination des rédacteurs frôle presque le génie – de l’arnaque et de la mystification. « Road » est donc émaillé de ces petites scénettes de trois minutes qui narrent la fantastique banalité d’anti-héros fictifs (sa fabuleuse galerie d’histoires grotesques remonte ainsi aux débuts des années 70 – rappelons-nous de l’inénarrable ''King Of The Silver Screen'' !), mais trouve donc sa thématique principale dans la route. Allons, tout respire ici le bitume et l’expérience burinée : ''Welcome To The Show'' ! ''All Over The World'' ! ''Rules Of The Road'' ! ''Road Rats Forever'' ! Et j’en passe...

Tiens, d’ailleurs : Alice s’est régulièrement amusé à l’idée de reprendre un jour une sélection de certains morceaux exceptionnels enregistrés lors de sa propre traversée du désert au cours des années 1978-1983 (cinq albums méconnus !) alors, qu’il n’en avait plus le moindre souvenir – mais ça, on attend toujours. En revanche, il dépoussière ici le ''Road Rats'' du tout aussi obscur et antérieur « Lace And Whiskey » (sorte de comédie musicale désuète dont la thématique détective privé / film noir est déjà sous perfusion de son alcoolisme ravageur en 1977), soit un hommage gentiment hard rock aux ''rats de la route'', soit tous ces inépuisables travailleurs du spectacle itinérant – comprendre sa façon bien à lui de signer son propre ''We Are The Road Crew'', certes très académique, et qui figurera sur la bande originale du film Roadie, avec Meat Loaf dans le rôle principal en 1980 (et dans quel il fait une apparition remarquée, malgré son extrême maigreur). Sympa donc de réentendre cette vieille pépite légèrement réarrangée – mais qui ne trahit en aucun cas l’esprit originel. 

Et en dehors de cet emprunt qui ravira les fans hardcore, l’on trouve dans « Road » mille autres petits trucs et paroles qui appartiennent bien à l’univers du Maître, et dont on se délecte en tant qu’amateurs éclairés. D’ailleurs, en guise de (fausse) conclusion, ''100 More Miles'', se pose comme un titre hanté, inquiétant comme un highlight de « Welcome To My Nightmare », heavy et épique, et dont l’intro se pose quelque part entre le ''Last Man On Earth'' de sa suite en 2011, et le ''Crazy Little Child'' de « Muscle Of Love » en ’74. Un petit chef d’œuvre un peu trop court que l’on situerait encore entre le ''This House Is Haunted'' de 2003 et le final de l’album « The Last Temptation » en 1994.

Enfin, l’album s’achève sur une reprise très réussie du ''Magic Bus'' de THE WHO (une relique non retenue pour le répertoire de ses HOLLYWOOD VAMPIRES ???) – et qui disparaît à l’horizon comme une nouvelle ode à la route, non sans faire honneur au batteur Glen Sobel qui s’échine à jouer les Keith Moon le temps d’un solo.  

A noter pour terminer que, comme « Detroit Stories » qui était accompagné d’un DVD bonus (le concert à L’Olympia de 2017), « Road » est vendu avec un autre show complet en vidéo : celui, très très pluvieux, du Hellfest 2022 ! Et comme il le chante dès les premières lignes du roublard ''All Over The World'' en mentionnant Paris (où ils « buvaient du Champagne » !!!), il semblerait qu’Alice apprécie particulièrement notre pays – hey, merci pour le nouveau clin d’œil Monsieur Furnier !!! Et merci aussi de tant nous gâter : rien que cette année, on a pu se délecter des doubles rééditions de « Killer » et « School’s Out » (voir chronique ICI), ainsi que du fameux live à Rio des HOLLYWOOD VAMPIRES... et dire qu’il y aurait un nouveau projet ''secret'' et très sérieux qui nous pend tous au nez...

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications

2 commentaires

User
Charles CesÂme Zampol
le 23 août 2023 à 20:01
Félicitations ? à toi Bro. Bises, Charles.
User
enzo
le 25 août 2023 à 23:57
Excellente chronique, merci et encore merci pour le génial "Remenber the coop".
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