11 août 2023, 23:59

Alcatraz Festival

@ Courtrai (Jour 1)

Aidée par une météo exceptionnelle, exceptée une brève ondée le samedi, la 15e édition de l’Alcatraz Festival à Courtrai a été une grande réussite. Sur les trois jours, 45 000 fans, un record, se sont pressés devant les quatre scènes, pour une « grande messe du heavy metal », comme le répète sans cesse Attila Dorn, chanteur de POWERWOLF qui clôturait en splendeur la première journée. Une affiche alléchante, particulièrement au rayon death metal, et une atmosphère encore familiale, malgré la croissance continue de l’événement, sont les clefs de ce succès.

Dans un décor à la Mad Max, les festivaliers sont accueillis, dès les portiques passés, par les traditionnelles gardiennes de prison, tout de cuir noir vêtues, la matraque à la main... L’une d’entre elles, taquine, souhaite la bienvenue aux visiteurs en les aspergeant de mousse, tandis que deux autres surveillent un détenu géant en combinaison orange aux faux airs de créature de Frankenstein.


La présence de quatre scènes oblige à choisir entre les concerts. Si certaines décisions sont faciles à prendre, en fonction de ses goûts personnels – je n’ai aucun regret à sacrifier BURY TOMORROW, RISE OF THE NORTH STAR, ALESTORM ou ELECTRIC CALLBOY, par exemple – d’autres nécessitent une intense réflexion  : le vétéran MICHAEL SCHENKER GROUP ou la curiosité LA MUERTE ? SEPULTURA ou TRIBULATION ? HYPOCRISY ou CULT OF LUNA ? Cruels dilemmes !

En ouverture, et en guise de réveil tranquille avant un programme bien plus violent, ma première journée débute devant la Prison, la scène principale, assister au concert d'ELEINE (11h20-12h00). Les Suédois jouent avec conviction leur metal symphonique aux ambiances dark. Ils sont portés par leur chanteuse Madeleine, figure de proue de ce navire qui vogue en eaux certes convenues mais pas déplaisantes. La sculpturale frontwoman, à la voix puissante et mélodique, parfois assistée des growls de l’un de ses comparses, arpente la scène, headbangue, prend des poses heavy. Elle parle – beaucoup quand on dispose de 40 petites minutes – remercie les fans, auxquels elles envoient des baisers. Le single "We Are Legion" est d’une grande efficacité quand un "Death Incarnate" à l’atmosphère gothique conclut une prestation honorable sans être bouleversante.


Changement de décor sous le chapiteau de la Swamp qui, trois jours durant, sera le paradis des amateurs de death avec, roulements de tambour, un enchaînement haut de gamme, éternel aller-retour entre USA et Suède, après un décollage de Belgique et un détour par le Canada. Messieurs, dames, les amateurs de steak tartare, ou barbare, voici la fabuleuse liste du vendredi : SERIAL BUTCHER, FROZEN SOULS, VOMITORY, UNLEASHED, IMMOLATION, POSSESSED, I AM MORBID et DISMEMBER. Et, suspense, le menu restera tout aussi appétissant les deux jours suivants. GAAHLS WYRD, parenthèse black de l’après-midi, s’étant désisté, il a été remplacé par ALKERDEEL pour la belle histoire du festival. Présents comme spectateurs au camping, les locaux ont saisi leur chance. Leur doom/sludge groovy et lancinant, traversé par des hurlements black, porté par une basse très présente, a séduit. Une bien belle surprise !

Backdrop et panneaux gore, t-shirt MORTICIAN pour le chanteur, les Belges SERIAL BUTCHER ouvrent les portes de l’abattoir avec leur brutal death. Ils s’inspirent de CANNIBAL CORPSE pour asséner des titres old-school portés par des musiciens concentrés. Le vocaliste growle à tout va, headbangue comme un forcenée sur des titres qui allient vitesse et épaisseur. Dans un nuage de fumée, le groupe glisse des ambiances horrifiques, des intros angoissantes et signe une seconde partie de concert où la lourdeur s’impose aux accélérations. FROZEN SOUL se réfère quant à lui à BOLT THROWER avec un death pour lequel il faut de la pesanteur avant toute chose. Dans une lumière froide, où règne le bleu, l’imposant vocaliste domine ses comparses, plutôt timides. Les morceaux misent sur l’efficacité, sur un groove bien senti, sur un aspect coup de poing dans la face ; pas de jabs, d’esquives, de pas de côté, non, non, le direct est toujours privilégié dans des mid-tempi percutants. Je zappe à regrets VOMITORY pour revenir à la Swamp quand retentit un jovial « Are you ready for swedish death metal ? », hurlé tout sourire par Johnny Hedlund. UNLEASHED attaque avec le classique "To Asgaard We Fly", invitation immédiate au secouage de crâne comme l’est aussi le plus récent "Lead Us Into War", ouverture massive de « The hunt for white Christ » (2018). Les vikings, décontractés, mènent leur drakkar des anciens rivages des années 90 (ah le refrain de "Before The Creation Of Time", ah le caractère épique de "Into The Glory Ride"...) aux terres découvertes récemment (le souffle de "You Are The Warrior !") sans oublier de faire escale sur les îles accueillantes des années 2000 ("Hammer Battalion" et "Midvinterbolt"). En plus de 30 ans, les guerriers ont conservé leur style direct et efficace, relevé de soli heavy qui traversent des morceaux souvent courts. La vitesse, malgré quelques rafales bienvenues, n’est pas leur priorité : les Suédois veulent voir la foule headbanger en rythme, le poing levé, la bière à la main... à l’image du contenu de la corne que Johnny verse dans sa gorge sur un "Into The Glory Ride", qu’il dédie à l’équipe du catering. Skol !


Ma dernière salve death de la journée est offerte par IMMOLATION. Les quatre New-Yorkais, tout en noir, défendent leur dernier album, l’excellent « Acts Of God », dont ils jouent d’entrée "An Act Of God", suivi de «"The Age Of No Light". Pas de doute, ces titres sont diaboliques, dans la ligne malsaine des classiques du groupe comme le sulfureux "World Agony". Les musiciens, de l’ultra chevelu Ross Dolan à la voix toujours aussi caverneuse, au chauve et impassible Robert Vigna, assènent leur partie sans esbrouf jusqu’à un problème technique sur l’ampli de la guitare rythmique d’Alex Bouks... qui gâche la seconde partie du concert en détournant l’attention, rompant ainsi le charme ténébreux que diffusait jusqu’alors le quatuor démoniaque.


Si le death, comme le gras d’ailleurs, ce qui est parfois la même chose, c’est la vie, il est parfois bon de goûter à d’autres plats. M’éloignant donc de la Swamp, je m’arrête au stand des dédicaces pour obtenir la signature de la légende Jeff Becerra de POSSESSED. Disponible, l’homme en fauteuil discute avec ses fans, adorateurs pour certains qui n’hésitent pas à se prosterner devant lui. Ce passage obligé accompli, mes pas me guident vers les deux autres scènes : l’Helldorado, de belle dimension, et la Morgue, de taille réduite et sans espace séparant le public des planches. La première est dédiée au hardcore, avec un final CONVERGE puis AGNOSTIC FRONT précédé de PRONG. Je n’ai fréquenté ce lieu que lors de la prestation convaincante de DO OR DIE de 13h50 à 14h35, mené par deux chanteurs complémentaires. L’un d’eux réclame et obtient des circle-pits, récompense méritée d’une prestation énergique et furieuse. La seconde présente des groupes étranges, souvent orientés stoner. Après n’avoir pu assister à la prestation de GNOME tant le chapiteau était bondé, je me plante au premier rang pour ne rien manquer du show d’ACID KING à 20h20. Dans une atmosphère moite, le trio captive l’auditoire par l’alternance de fulgurances heavy et de longs passages instrumentaux hypnotisants, au psychédélisme teinté de sonorités doom, qui ouvrent les portes, dans des volutes de notes et de fumée, de mondes étranges et fascinants. Lori, la chanteuse guitariste à la voix mystérieuse, les yeux souvent fermés, sourit en tissant des chansons envoûtantes, soutenue par un bassiste aux doigts arachnéens, légers et solides sur ses cordes, et un batteur qui prend un plaisir intense quand les tempi augmentent. Une magnifique expérience. La journée se clôturera aussi à la Morgue en compagnie des fous furieux de LA MUERTE. Ce groupe hétéroclite, où chaque musicien aborde un look différent – guitariste tout en élégance rock et cheveux blancs impeccablement coiffés, son comparse en veste en cuir, bassiste en chemise à grosses fleurs, chanteur en marinière, la tête masquée d’un sac en toile de jute digne du héros de Massacre à la tronçonneuse – dégage une violence insensée, d’inspiration black, à l’image de la croix inversée qui brille d’un rouge sanglant ou d’un crâne surmonté de bâtons d’encens. Leur musique est une sorte de garage dopé aux amphétamines metal ("Couteau dans l’Eau") pour éclater en une furie électrique, incarnée dès les premiers accords des deux morceaux inauguraux, "No Fear" et "Snake In My Hand". Le chanteur, comme possédé, fait de son pied de micro une arme quand il ne prend pas des poses lascives avant de se jeter au sol. L’âme des STOOGES ("Black God, White Devil", "She Did It For Lust") semble voler dans un espace saturé de tensions... où alternatif et punk ("Evil Land") viennent copuler dans une orgie de décibels que Tarantino se régalerait de filmer.


Dans l’après-midi, rendez-vous avec des fans "troisième âge" devant la Prison pour profiter des vétérans de METAL CHURCH. L’emblématique logo rouge surplombe les musiciens dont le nouveau chanteur, Marc Lopes, qui remplace depuis février Mike Howe, décédé. Le chanteur, capable de monter dans les aigus, signe une performance emplie de classe... comme celle de ses compagnons avec qui la complicité semble bien réelle. Les boys plongent dans les classiques du groupe – huit des neufs morceaux issus des trois premiers albums des Américains dont quatre de « Metal Church » (1984). Quelle joie d’entendre en live le maidenien "Battalions", l’inquiètant "Beyond The Black", l’entêtante power-ballad "Gods Of Wrath" ou, bien sûr, l’inévitable et pesant "Metal Church", idéal pour clore un concert. Le speed metal de la bande à Kurdt Vanderhoof est accrocheur en diable, hérissé de soli qui magnifient des rythmiques qui déboulent à 1000 à l’heure ("Ton Of Bricks"). 50 minutes de communion et de bonheur que n’interrompt pas l’unique titre, le réussi "Pick A God And Prey", tiré du récent « Congregation Of Annihilation » (2023).


Alors que la nuit est tombée, je passe devant un dragon de metal qui crache des flammes de feu pour rejoindre la Prison où POWERWOLF s’apprête à offrir un grand spectacle. Dès l’arrivée des musiciens dans les pas de moines encapuchonnés, flambeau à la main, la foule est conquise. Elle explose quand retentit "Faster Than The Flame" dans les ruines qui forment un décor haut de gamme. Les premières flammes d’une soirée théâtrale et grandiloquente jaillissent, prélude à un festival de projections variées. En fond de scène des animations vidéos en 3D renforcent l’ambiance des morceaux, tous accrocheurs en diable, comme, exemples ultimes, "Demons Are The Girls Best Friends" et "Amata Strigoi" qu’Attila, maître de cérémonie charismatique, fait chanter au public, ravi. Il lui demande aussi d’imiter l’orage pour lancer "Sainted By The Strom"... et le taquine, estimant qu’il manque de puissance ! Le chanteur trouve en Falk Maria Schlegel un parfait acolyte. Quand le clavier n’officie pas, parfois derrière d’immenses orgues, il entame une danse avec le leader avant "Dancing With The Dead" ou manie un drapeau à l’effigie du groupe. Le show se déroule sans temps mort, entre interventions tantôt humoristiques, grivoises même avant "Resurrection By Erection", tantôt fraternelles à grand renfort de « my friends ». Au cœur des charges galopantes d’un power metal addictif surgit, sous une neige de papier, le beau "Where The Wild Wolfes Are Gone". Matt Heafy, frontman de TRIVIUM décidément très demandé après son intervention avec MEGADETH à Orange, vient accompagner le groupe sur le puissant "We Drink Your Blood", dernier titre avant un rappel fulgurant : "Sanctified With Dynmaite", le folkisant "Blood For Blood" et "Werewolves Of Armenia". La messe est dite !

Jour 2
Jour 3

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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