12 août 2023, 23:59

Alcatraz Festival

@ Courtrai (Jour 2)

En cette deuxième journée, quand sous les chapiteaux l’odeur de l’herbe humide se mêlera bientôt à celle de l’herbe fumée, le premier rendez-vous est fixé devant la Prison. IRON MASK ouvre le bal à 11h20 avec son power-metal riche en soli malmsteenien, mélodies et envolées lyriques. La technique des musiciens, remarquable, n’est pas remise en cause mais les compositions deviennent parfois lassante, à l’image de "Wild and lethal", au refrain basique répété à l’infini. "Rebel Kid", orienté hard rock, transmet plus d’énergie à un concert qui, au final, ne restera pas dans les mémoires.

Si les morceaux de CRYSTAL VIPER (12h25-13h10) ne brillent pas par leur originalité (tel l’ultra classique mais fédérateur "Metal Nation"), ces chansons très metal des années 80 ("Night Of The Sin", dans l’esprit ACCEPT) sont assénées avec un plaisir et une ferveur réjouissants. Le groupe polonais est mené par l’étourdissante Marta Gabriel, bassiste chanteuse pantalon en cuir et veste sans manche à patches de tradition, qui multiplie les poses heavy, seule ou en compagnie de ses acolytes, tout sourire. Elle fait chanter le public, arpente la scène... sans oublier d’assurer ses liges de chants avec autorité et puissance, comme sur "The Witch Is Back" au bel hurlement initial. A l’aise quand le rythme est modéré ("When The Sun Goes Down"), quand il s’agit de tisser une ambiance sombre (le refrains de "Witch’s Mark") ou de concocter un titre épique ("It’s Your Omen"), la formation signe une belle prestation qui réjouit la "metal family", comme le répète Marta.


Direction la Morgue, dédiée en ce samedi au thrash après un bref détour par le Paradisio, bar où des DJ passent à haut volume des titres métalliques pendant que les fans les plus téméraires se secouent sur une structure évoquant une immense balancelle. Mais pourquoi donc écouter de la musique enregistrée quand des groupes se succèdent en live tout autour ? Mystère...

Dans la Morgue, pas de service de sécurité mais une scène à portée des stage-divers et des slammers ! Ambiance club, atmosphère moite, le bonheur ! Dès que SCHIZOPHRENIA arrive au pas de charge, la folie se répand dans les premiers rangs qui n’attendent pas la fin du premier morceau pour se lancer dans des mosh-pits déchaînés. Lookés comme dans les années 80, en jeans slim et pour certains en baskets montantes, les jeunes Belges, à la moustache qui ressemble encore à du duvet, dégagent une énergie invraisemblable pour offrir un festival de courses et de bonds qui accompagne leur thrash/death inspiré les premiers SEPULTURA, bien sûr, SLAYER (dont ils reprennent "Necrophiliac") voire MORBID ANGEL ("Divine Immolation").
Les Anversois, portés par un batteur démoniaque, appuient sur la pédale d’accélérateur, glissent des soli ravageurs ("Souls Of Retribution"), mais savent aussi, parfois, ralentir pour laisser de développer un groove bienvenu ("Schizophrenia"). Durant le concert, un fan exalté passe son temps sur un ampli à brandir un t-shirt à la gloire du groupe. 40 minutes intenses pour un public qui ruisselle de sueur sous un chapiteau qui se transforme peu à peu en sauna.

Avant l’arrivée d’ANGELUS APATRIDA, des fans du groupe espagnols se prennent en photo devant un drapeau de l’Euskadi. Backdrop à l’effigie des natifs d’Albacete et lumières rouges, le concert débute avec un "Bleed The Crown", qui semble un peu poussif après la performance tout feu, tout flamme de SCHIZOPHRENIA. Heureusement, nous savons tous que l’Ibère est rude... et, l’échauffement passé, dès le deuxième titre, "Indoctrinate" au refrain énervé, puis et surtout, juste après, quand explose la bombe slayerienne "One Of Us", la guerre est déclarée... et elle prendra fin, pour moi, avec le chef d’œuvre belliqueux qu’est "We Stand Alone".


Il est temps en effet de quitter l’enfer de La Morgue pour gagner, à quelques mètres de là, l’Helldorado où j’arrive "two minutes to MIDNIGHT". Le trio, mené par Athenar, ancapuchonné comme ses compères, cartouchière sur sa veste noire qui contraste avec la blancheur de sa basse, déboule sur les notes enregistrées et inquiétantes de "Funeral Bell". Il enchaîne, comme sur le recueil de démos « Midnight », avec "All Heil Hell". Le ton est donné : les Américains assènent leur black'n'roll/speed metal aux relents punk avec énergie. Si la scène semble grande pour les trois gaillards, le guitariste s’emploie à l’occuper en galopant comme un dératé, en sautant partout, en multipliant les mimiques et les acrobaties. Il est à 1000 à l’heure tant que les photographes sont dans la fosse et ralentit les cadence quand ils la quittent... Athenar scande les textes de ses compositions accrocheuses ("Lust Filth And Sleaze") avant de plonger avec son comparse au contact des premiers rangs lors du dernier morceau, l’antique "Unholy And Roten". 100% furieux, 100% jouissif !


Après un passage par une buvette pour une Primus à 3,20€ - soit un jeton à acheter par lot de 10 - retour à la Hellzone pour plonger dans la froide obscurité – symbolique, car le soleil est toujours au rendez-vous – de TAAKE (16h25-17 h15). Actif depuis 1993, le groupe est une valeur sûre de la scène black norvégienne traditionnelle. Corpse paint de rigueur, compositions abrasives sublimées par les vocaux dévastateurs et l’attitude vindicative du charismatique Hoest. Crâne rasé, enveloppé dans une grande cape doublé du drapeau norvégien, il arpente les planches avec une incroyable autorité, s’autorise de grandes rasades d’une étrange mixture et s'absente de temps à autre. Au-delà des polémiques qui ont émaillé la carrière de son leader, TAAKE est une machine vicieuse et puissante.


Choix complexe ensuite : TRIBULATION ou SEPULTURA ? J’hésite longuement avant de me rendre vers la Prison au nom de la nostalgie... et bien mal m’en a pris tant les Brésiliens entre 17h50 et 18h50, ont livré une prestation d’une grande fadeur. Leur set est basé sur une alternance de classiques et de titres récents, pour l’essentiel tiré du dernier né « Quadra », sorti en 2020. Au cas où le public ne comprendrait pas, l’écran affiche en alternance la pochette de ce disque ou le S du groupe... Si ces aller-retours passé-présent sont une idée intéressante... le voyage se déroule sans fougue, ni passion. Les Grands Anicens, à l’image de "Roots Bloody Roots" ou "Propaganda" sont... mous ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces titres emblématiques deviennent insipides. Si "Dead Embryonic Cells" échappe au naufrage, "Territory" est poussif. Les passages tribaux sont bien là, mais sans la flamme qu’ils devraient dégager (l’intro du longuet "Guardians Of Earth"). De même les chansons de « Quadra », prometteuses sur disque, perdent leur fougue en live ; incroyable que "Isolation", chat de gouttière toutes griffes dehors, la bave aux lèvres devienne en live un gros matou castré...


 

Heureusement, toujours sur la Prison, un autre mythes des années 90 succède à la bande à Kisser. BIOHAZARD est à l’Alcatraz pour l’une de ses 16 dates européennes avec son line-up original. La set-list est donc resserrée autour des trois premiers albums du gang, avec une domination du chef d’œuvre « Urban Discipline ». Quelle jouissance d’entendre, après "Failed Territory" enregistré en guise d’intro calme et trompeuse, les condensés de violence pure que sont "Punishment", "Black And White And Red All Over" ou la chanson-titre ! Le harcore/crossover made in Brooklyn porté par des musiciens excités fait mouche. Il électrise une foule dense, dopée par les interventions d’un Evan Seinfeld « tel qu’en lui-même l’éternité le change », bandana bien accroché, et l’énergie de Billy Grazidei peroxydé toujours prêt à grimper sur les baffles et à se jeter dans la foule... mais sans négliger son chant ("Tales From The Hard Side").
Le bassiste/chanteur, entre un hommage aux disparus et un discours positif à portée sociale, exhorte les fans à agrandir au maximum les circle-pits... et transmet sa rage positive à un public déchaîné. Une reprise de BAD RELIGION, "Hold My Own", extrait du premier disque, résonne sur bande "No Sleep Till Brooklyn" des BEASTIE BOYS. Seule mauvaise surprise liée à BIOHAZARD ? Les 45€ à débourses au stand de merchandising officiel pour son joli t-shirt... Tant pis, je m’en passerai !

Sous la Swamp résonnent les « Sodom, Sodom », toujours amusants à entendre... avant l’arrivée de SODOM (20h30-21h30). Si le backdrop est à la gloire de « 40 Years At War », la compilation reprenant un morceau par disque des Teutons, le concert ne suit pas cette logique mais propose une collection hiver... atomique de bombes thrash bien brutes. Si la voix de Tom Angelripper, qui porte un t-shirt en hommage à Bon Scott, est parfois peu audible, peu importe : les premiers rangs reprennent en chœur les paroles poétiques et subtiles des cultissimes "Sodomy And Lust", "Agent Orange", "M-16" et autres "Sodom & Gomorrah" et "Bombenhagel". Désormais quatuor avec le retour du guitariste Franck Blackfire, les Allemands affichent une belle complicité et prennent autant de plaisir sur scène qu’ils en donnent aux spectateurs.


Vient ensuite ce qui est sans doute l’un des meilleurs, voire le meilleur, concerts de ces trois jours. Le "Snortin’ Whiskey" de Pat Travers s’achève et les membre d’OBITUARY, calmes et tranquilles, arrivent sur scène pour lancer l’instrumental "Redneck Stomp". Nimbés d’un brouillard de lumières vertes, ils invitent déjà à un voyage glauque au cœur des marais. Les spectateurs n’attendent pas pour se lancer dans des slams ininterrompus, gérés à merveille par un service de sécurité attentif et prévenant. John Tardy, à son rythme, rejoint ses camarades pour le rapide "Sentence Day". Ses growls, toujours aussi profonds, à la frontière de l’humain, sont désormais intelligibles sans perdre leur puissance ; magique ! Les premiers soli fusent, mis en valeur par la poursuite qui se fixe sur le lead-guitariste, le visage masqué par ses cheveux mais les doigts sacrément habiles ("War"). Devant un backdrop à l’effigie de l’excellent dernier album « Dying Of Everything », les Floridiens livrent un show intense, malgré quelques pauses entre les morceaux. Ils n’usent d’aucun artifice, laissent parler leur death old-school empli d’un groove irrésistible et de lourdeurs hypnotiques (le mid-tempo "The Wrong Time", idéal pour headbanger à tout-va), traversé d’accélérations imparables. Les titres de leur dernière production confirment en live leur grande qualité, à l’image de la chanson éponyme. John annonce un détour par « Cause Of Death » et le gang enchaîne "Find The Arise" et "Chopped In Half/Turn Inside Out". Hystérie dans la fosse ! Dans la fumée, l’imposant chanteur, le seul à se déplacer, prend des allures de créatures lovecraftiennes quand Trevor Peres lance, balance et relance ses riffs, sourire apaisé au-dessus d'une barbe de bûcheron. Les lights vertes reviennent pour le "Slowly We Rot" final, conclusion imparable d’un épatant concert qui se sera écoulé en un clin d’œil... alors que les frères Tardy et leurs compagnons auront joué dix minutes de plus que prévu ! Quant à moi, joie ultime de fan, Trevor me lance l’un de ses mediators ! Thank you, guy !


Béat, je quitte la Swamp pour me poster face à la Prison où KK’S PRIEST a déjà débuté son set. Avec KK Downing, guitariste originel de JUDAS PRIEST, dont il a signé bon nombre de classiques, et Tim "Ripper" Owens, chanteur sur « Jugulator » – dont "Burn In Hell" est joué – et « Demolition », le groupe est bien sûr légitime pour se frotter au répertoire de la légende anglaise d’autant plus qu’il joue aussi des compositions issus de son premier album « Sermons Of The Sinner » et de celui à venir. Si les titres récents sont pour certains diablement efficaces – "Sermons Of The Sinner" dans l’esprit de "Painkiller" ou le "Raise Your Fists" qui conclut le concert en mode MAIDEN – le public, clairsemé et qui se dirige assez vite vers les autres scènes, vibre surtout sur les grands classiques, de "Breaking The Law" à "Night Crawler" en passant par "Victims Of Change" ou "Beyond The Realms Of Death ». Owens, malgré une gestuelle toujours agaçante, assure ses parties avec maestria et Downing, alerte septuagénaire, se déplace sur les différents niveaux de la scène avec agilité. Si les projections vidéos sont assez laides, elles ne suffisent pas à gâcher une prestation plaisante... même dépourvue de magie.

Après un bref passage sous le chapiteau Helldorado pour profiter des lights et des ambiances d’AMORPHIS, il est temps de dire "au-revoir et à demain" à un Alcatraz qui tient toutes les promesses nées d’une affiche haut de gamme et éclectique.

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Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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