14 octobre 2023, 23:59

EUROPE

@ Paris (Salle Pleyel)

Si la Salle Pleyel, à deux pas des Champs-Elysées, accueille de plus en plus fréquemment des artistes rock et metal, créant souvent un décalage entre l'élégance du lieu et la joyeuse meute qui l'investit, c'est ce soir EUROPE qui est à l'affiche, et la classe du groupe suédois ne pourrait être plus en ligne avec le décor majestueux de la salle. Au programme, une soirée exceptionnelle regroupant deux sets de plus d'une heure chacun, des nouveautés et bien sûr des hits intemporels, dans un format que le groupe qualifie volontiers de "capsule temporelle". Retour sur 40 ans de carrière en presque trois heures.

En pénétrant dans la salle, on est toujours frappé par la hauteur sous plafond titanesque, et par celle vertigineuse du second balcon, qui donne une vue imprenable sur le parterre et la scène. Les sièges sont quasiment tous pleins, et on remarque un public très multigénérationnel, prouvant l'influence du groupe à travers les quatre décennies de sa carrière. L'intégralité des places sont assises, ce qui n'empêchera pas des dizaines de fans de se glisser dans les travées à l'avant de la salle pour être au plus près de l'action, au grand dam des personnes ayant déboursé une grosse centaine d'euros pour un siège au premier rang... Etrange que l'équipe de sécurité, pourtant assez pointilleuse au fil de la soirée, ne s'en soit pas mêlée. Mais ne boudons pas notre plaisir et revenons au début du spectacle... qui ne viendra que dix minutes après que la salle soit plongée dans le noir.


Car c'est en effet par une projection sur l'écran qui masque la scène que débute la soirée. EUROPE, qui va prochainement sortir un documentaire retraçant son parcours musical, a ainsi choisi d'en diffuser des extraits pour introduire son concert et la seconde partie de soirée suivant un entracte de vingt minutes. Dans ces aperçus, des interviews de tous les membres du groupe, des images de concert et de studio. Si les différentes interventions vont de petits secrets bien gardés à des déclarations d'amour fraternel un peu téléphonées entre les musiciens, le tout donne bien envie d'en voir plus, et laisse entrevoir un bel objet que les fans s'arracheront. On retiendra notamment l'anecdote contée par Joe Tempest, retraçant la soirée où il proposa le nom du groupe en faisant un gros bide... avant que quelques bières ne fassent changer d'avis tous les membres. La suite est rentrée dans l'histoire.

Passé ce prélude, le show démarre sur les chapeaux de roue avec "On Broken Wings", sorti il y a tout juste trente ans. A cadre exceptionnel, son exceptionnel : d'entrée de jeu, la balance est un pur régal ! Le son polissé et FM d'EUROPE est parfaitement retranscrit, la batterie est précise, la basse est très claire et lourde à souhait, et les claviers apportent ce qu'il faut de kitsch pour être directement aspiré dans l'univers du groupe. Et si le début du concert affiche déjà un son excellent, les choses continueront malgré tout de s'améliorer au fil de la soirée, avec encore plus de punch après l'entracte.


Le groupe embraye ensuite sur l'audacieux "Seven Doors Hotel", avant d'asséner le premier classique "Rock The Night", qui voit la salle monter en température. Déjà, Joe Tempest affiche une forme olympique, et son jeu de scène, très proche du public, ne fait que rendre la chose encore plus agéable. Pas une fausse note, pas un coup de mou malgré un total de vingt-cinq titres interprêtés. D'ailleurs, il est remarquable de constater qu'EUROPE a pioché dans la quasi intégralité de ses albums : seul "Bag of Bones" est absent de la soirée, et ce sont donc pas moins de dix albums qui sont représentés dans la set-list. Même le prochain album, prévu pour 2024, est de la partie, avec "Hold Your Head Up", révélé il y a quelques semaines en tant que single. Ce nouveau titre passe l'épreuve du live haut la main, et laisse entrevoir le disque à venir sous les meilleurs auspices.

Au rayon des moments de grâce, le groupe nous propose, entre deux riffs catchy à la sauce 80's, quelques titres acoustiques et temps calmes plus intimistes. Ainsi, on ne peut que se rappeler avec plaisir l'intermède précédant "Carrie", mené par un Mic Michaeli plein d'humour. Il singe l'ambiance feutrée des cabarets parisiens, souhaite la bienvenue au public - en français s'il-vous-plait - à sa "cocktail party", et revient avec émotion sur les quarante dernières années, dont il avoue avoir apprécié chaque seconde. Le tout introduit un nouveau tour de la capsule temporelle, qui ramène le groupe au tout premier morceau composé par Joe et Mic, "Carrie" donc. Un peu plus tard, c'est l'intro à fleur de peau de "Memories" qui vient encore mettre une giffle à ceux qui pouvaient encore douter de la forme de Joe Tempest : sa voix ne flanche pas, et son timbre caractéristique reste fantastique, même sans aucun artifice.


Acoustique, la belle reprise de l'intemporel "Space Oddity" de David Bowie l'est également en bonne partie. L'hommage est beau, superbement exécuté, et voit le public s'époumoner sans économie. Quelques petits autres "snippets", comme on dit outre-Manche, viennent apporter de la couleur au fil du set, avec notamment un extrait malicieux de "Superstition" de Stevie Wonder pendant le pont de "Rock The Night", ou bien encore l'inattendu "No Woman, No Cry" de Bob Marley sur la fin de "Superstition".

Qui dit concert de hard rock, dit également solo en tous genres. Si EUROPE n'y coupe pas, ils ne font malgré tout rien comme tout le monde. Tout d'abord avec un solo de basse où John Levén papote beaucoup avec la salle, puis avec un solo de batterie grand-guignolesque, qui voit Ian Haugland réinterprêter à sa sauce la majestueuse ouverture de Guillaume Tell écrite par Rossini... hilarant et pas ennuyeux une seule seconde !


La soirée passe à toute vitesse, et arrive déjà le rappel, demandé avec autorité par un public chauffé à blanc. C'est tout d'abord "Cherokee" qui relance la machine, avec ses percussions quasi tribales en introduction, puis évidemment, l'inévitable "The Final Countdown" attendu par toute l'assemblée. Et si c'est un titre qu'on a entendu à tort et à travers, parfois jusqu'à l'overdose, il faut bien admettre que l'ambiance électrique de ce soir a bien contribué à faire se dresser tous nos poils quand la ligne de clavier du tube retentit dans la Salle Pleyel. Tout simplement imparable et triomphal.

EUROPE a donc offert ce soir un vrai cadeau à tous ses fans, en mélangeant raretés et classiques dans une ambiance décontractée et authentique, servie par un son irréprochable. Les musiciens ont chacun affiché un large sourire pendant toute la longueur des deux sets, sourire qui aura contaminé tous les visages à la sortie de la salle. Quelques petits ralentissements ici ou là sont à déplorer, mais tenir la barque à ce point après quarante ans de carrière force le respect. Merci donc EUROPE, rendez-vous sur les routes européennes très bientôt, on l'espère !

Set-list
Portfolio

Blogger : Régis Peylet
Au sujet de l'auteur
Régis Peylet
La petite trentaine, passionné de musique, après avoir longtemps écrit chroniques, interviews et couvertures de concert pour des confrères, Régis s'est lancé dans la photographie il y a quelques années, lui permettant de mieux s’exprimer et de capturer les émotions qui connectent les artistes et leur public.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK