4 novembre 2023, 12:50

WITHIN TEMPTATION

"Bleed Out"

Album : Bleed Out

Avec 7 chansons sur 11 déjà dévoilées au fur et à mesure au public sous forme de singles depuis avril 2020, on pourrait penser que « Bleed Out », le huitième album de WITHIN TEMPTATION, recèle bien peu de surprises. C’est le cas si l’on est consommateur de plateformes de streaming, mais si ce n’est pas votre manière préférée de savourer la musique, alors cet album saura vous accrocher l’oreille. Car si WITHIN TEMPTATION, par ses méthodes, veut occuper le terrain médiatique sans relâche, il n’en reste pas moins un groupe attachant et particulièrement doué pour écrire des mélodies pop qui s’insinuent dans la tête sans se forcer.

Le groupe modernise son approche en proposant des chansons aux influences contemporaines, djent et metalcore, qui contrastent avec la voix angélique de la belle Sharon den Adel. Amateurs de cris et de riffs furibards, passez votre chemin. WITHIN TEMPTATION n’a jamais été et ne sera jamais le groupe le plus violent du monde, mais cependant, il y a sur cet album une noirceur et une intensité qu’on ne lui connaissait pas. Très ancré dans l’actualité et la politique, la violence se situe dans les thèmes abordés : la guerre en Ukraine, la brutalité et le sexisme envers les femmes, la manipulation des consciences, les injustices sociales... On est loin du metal symphonique des débuts du groupe, même si l’on en retrouve quelques réminiscences notamment sur le titre d’ouverture, "We Go To War", axé sur les ravages de la guerre insensée menée en Ukraine depuis plus d’un an et demi. Morceau très réussi où le chant de Sharon prend aux tripes, quand la section rythmique de Mike Coolen (batterie) et Jeroen van Veen (basse) fait ressentir l’urgence et le danger à travers un break agressif, et où les claviers de Martijn Spierenburg se font menaçants.

Choisi comme titre pour l’album, "Bleed Out" évoque l’histoire de Masha Amini, jeune étudiante iranienne battue à mort par des policiers fin 2022. Cette chansons poignante est basée sur des riffs djent, graves et lourds, qui collent à merveille à l’ambiance noire et désespérée qui s’en dégage. Excellente initiative, les guitares de Ruud Jolie et Stefan Helleblad reprennent le dessus, contrairement à l’album précédent, « Resist » (2019), qui les voyaient mises en retrait. De la même manière, "Wireless" poursuit sur un ton agressif, glauque et éminemment politique puisque ce morceau compte le point de vue d’un soldat endoctriné qui part au front, persuadé d’agir pour le bien, alors qu’il n’est qu’une marionnette dans le jeu malsain des politiciens, et qu’il est perçu par la majorité comme un bourreau et un assassin. Avec un beau refrain mélodique et un rythme heavy, c’est un titre efficace. Plus rapide, "Worth Dying For" fera bouger les foules en concert. Ce morceau dynamique n’est pas sans rappeler la période « The Unforgiving » (2011) et des chansons comme "Faster" et "In The Middle Of The Night", même si le propos est ici bien plus ancré dans la triste actualité. On apprécie également le beau solo de guitare.

Comme une coupure au milieu de l’album, "Ritual" aborde le sujet plus "léger" de la séduction et de la prise de pouvoir par les femmes. Librement inspiré du film de Quentin Tarantino en 1996, Une Nuit En Enfer, la vidéo, façon manga animé, montre des prédateurs sexuels qui se font complètement éclater la gueule par la jeune femme qu’ils ont essayé de harceler. Ou la version gore de l’arroseur arrosé ! Mais laissons de côté l’aspect visuel crée une nouvelle fois avec l’intelligence artificielle, vu que par essence même, ce qui est artificiel est faux, pour nous concentrer sur la musique. Sur fond de mélopée ethnique, Sharon den Adel aborde son chant différemment, d’une manière plus sensuelle mais aussi plus pop, faisant penser à ce qu’elle a pu offrir sur son album solo, « My Indigo » en 2018. C’est une chanson étrange mais assez addictive, somme toute. Etrangeté de mise également avec la suivante, "Cyanide Love" d’où émane un sentiment de menace avec une espèce de petite comptine chantée en allemand et répétée à l’envi qui renforce cette impression de malaise, le tout sur un rythme lourd et rampant.

On repart sur plus de vivacité avec "The Purge" aux sonorités electro et au refrain réussi. Tout au long de l’album, la voix de Sharon est bien mise en avant, et la chanteuse fait preuve d’originalité pour aborder son chant, en proposant différentes tonalités. "Don’t Pray For Me" est un mid-tempo puissant qui prône la liberté individuelle, la liberté de choix et de croyance. La chanteuse précise dans l’interview qu’elle a accordée à HARD FORCE que cette chanson découle d’un article qu’elle avait écrit sur l’avortement et les différences au sein de l’Union Européenne. En d’autres termes, aucune loi, ni aucun politicien ne devrait décider pour la personne concernée. Notre corps et nos décisions nous appartiennent. Vient ensuite "Shed My Skin" aux influences metalcore marquées, avec la participation des Allemands ANNISOKAY qui posent quelques growls bien sentis. C’est probablement le morceau le plus tubesque et lumineux de l’album, plus léger dans sa forme, et l’on voit bien le public reprendre en chœur les « Ohohoh » du refrain lors des concerts.

On apprécie grandement que Sharon den Adel utilise sa voix grave sur le très réussi "Unbroken", conférant à ce morceau une dimension émotionnelle supplémentaire. On y retrouve également l’approche épique et théâtrale caractéristique des premiers travaux du groupe, avec ses claviers pleins d’emphase, tout en conservant un traitement résolument moderne sur les guitares. "Entertain You", morceau au refrain ultra dansant qui permet d’entendre la voix du producteur du groupe, Daniel Gibson, referme l’album sur une note fun, bien plus insouciante que le reste des compositions.
Avec « Bleed Out », WITHIN TEMPTATION franchit un cap dans l’exploration de sons nouveaux, cherchant à se renouveler sans cesse, tout en restant les pieds ancrés dans la réalité d’un quotidien angoissant et sombre. Avec ses thèmes pesants et lourds de sens, c’est un album dur, profond et fort qui touche en plein cœur, mais d’où la lumière et l’espoir ne sont pas totalement absents. Une vraie réussite pour un groupe qui a trouvé un bel équilibre entre les mélodies issues de son metal symphonique d’origine et l’attaque directe et frontale du metal moderne.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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