5 mars 2024, 20:37

MYRATH

"Karma"

Album : Karma

Longtemps attendu avec une parution deux fois repoussée, le voilà enfin le nouvel album de MYRATH, cinq ans après le remarquable « Shehili » (2019). « Karma », c’est son titre, un brin prophétique, révèle au public un autre visage du groupe Franco-Tunisien et synthétise en 11 chansons le désir des musiciens de ne pas s’enliser dans un metal oriental qui peut être parfois clivant, pour s’ouvrir sur d’autres influences plus universelles. En clair, si vous pensiez que MYRATH allait se répéter à l’infini, vous aviez tout faux.

Et dès le premier morceau, "To The Stars", on ressent cette vibe années 80, que ce soit à travers les nappes de claviers, les mélodies ou les chœurs faits de « Ohohoh » à l’esprit très "Maidenien". Mais nous ne sommes pas cependant dans une vague revival jusqu’au-boutiste, puisque le traitement accordé au son et au mixage est très moderne, à la fois puissant et clair. La production a été confiée au célèbre Jacob Hansen (AMARANTHE, VOLBEAT, EPICA, EVERGREY, et bien d’autres encore...) qui a fait un gros travail sur les voix et su mettre en valeur chaque instrument. On démarre en effet sur les chapeaux de roue avec la batterie de Morgan Berthet, qui d’entrée de jeu vous colle un aller-retour en pleine face, couplée à la basse groovy d’Anis Jouini et à la guitare agressive de Malek Ben Arbia formant un socle rythmique solide propice à la trame mélodique apportée par les claviers et l'orchestration de Kévin Codfert, tandis que les lignes de chant de Zaher Zorgati subliment le tout. Ce dernier se révèle particulièrement inspiré sur ce nouvel album, en sortant régulièrement de sa zone de confort pour offrir des moments mémorables, tels ce superbe falsetto sur "Carry On" ou bien cette sensibilité à fleur de peau sur "Words Are Failing". Si sa voix se rapproche parfois d’un Bruce Dickinson (en beaucoup plus jeune, évidemment !), Zaher possède néanmoins une palette très étendue lui permettant des variations et des subtilités fort différentes.

Premier fait notable, toutefois : alors que le chanteur avait pris l’habitude d’alterner chant en anglais et tunisien, aucune trace de langue arabe sur « Karma ». Tous les textes sont en anglais, comme pour affirmer la volonté de s’ouvrir à un public international. Ces petites touches, désormais absentes, faisaient partie de l’originalité et de l’identité du groupe. L’avenir nous dira si ce choix s’est avéré judicieux, mais il faut savoir que la qualité d’écriture du groupe ne pâtit nullement de cette orientation. En effet, le talent de MYRATH pour pondre des refrains addictifs et des titres pêchus qui donnent une irrésistible envie de se trémousser est resté intact. En témoignent les singles déjà parus, le heavy "Into The Light", doté d’un pont fait d’une cascade enchanteresse de notes de piano, le plus rapide "Heroes" avec son refrain addictif, son attaque incisive et son approche moderne, ou bien encore le cheesy "Let It Go" avec ses claviers outrageusement popisant qui nous projettent dans les années 80, quelque part entre le hard FM de BON JOVI et les tubes dance de l’époque (allez donc savoir pourquoi je pense à Laura Branigan, moi ?). Diablement punchy et contagieux, et qui marchera à coup sûr en concert. Petite précision tout de même : c’est un titre qui n’a fort heureusement rien à voir avec l’horripilante chanson issue de « La Reine Des Neiges », (« Let it goooooo, let it gooooo… » en V.O., « Libéréeeeee, délivréeeee… » en VF) que tous les parents équilibrés maudissent en secret. Si les orchestrations et les claviers sont prégnants, le groove n’en est pas moins présent avec notamment l’excellent "Candles Cry", initialement prévu comme premier single, et dont la vidéo sera disponible peu de temps avant la sortie de l’album. Cette chanson à l’approche plus actuelle se démarque dans la discographie du groupe avec sa ligne de basse rondouillarde à souhait, sa rythmique saccadée et son refrain scandé à deux voix. Zaher et Kévin forment un duo complémentaire et presque indissociable l’un de l’autre sur ce titre qui est sans aucun doute l’un des points forts de l’album.  

Avec "Words Are Failing", on retrouve les orchestrations luxuriantes et les inclinaisons orientales des albums précédents. Cependant, malgré son irrésistible groove sensuel, il s’en dégage une certaine mélancolie à travers l’interprétation nuancée d’un Zaher Zorgati à la sensibilité exacerbée : « I fall alone. I don't see the morning in my longing heart. Hear me in my darkest hour. Shine a light - Hold me tight. Show me if there's more to living than this life» (« Je tombe seul. Je ne vois pas le matin dans mon cœur nostalgique. Entends-moi dans mes heures les plus sombres. Fais briller la lumière - Serre-moi fort. Montre-moi s'il y a plus à vivre que cette vie»). Accompagnée d’un superbe solo de guitare sur lequel le discret Malek Ben Arbia brille une nouvelle fois, cette chanson est un gros coup de cœur et une belle réussite. "The Wheel Of Time" reste dans la même ambiance orientalisante et dansante, avec un pont heavy et une basse funky, grâce aux doigts en or d’Anis Jouini. C’est un morceau qui n’est pas sans rappeler les précédents travaux du groupe. Même sensation avec "Temple Walls" avec son rythme rampant et son ambiance inquiétante, qui va ravir les fans de la première heure. Là encore, Malek délivre un très beau solo. Changement de style avec "Child Of Prophecy" et "The Empire". En effet, pour la première fois, Morgan Berthet a participé à l’écriture de l’album en composant ces deux chansons, avec l’aide de son ami de toujours, l’excellent guitariste Pierre Danel (NOVELISTS, KADINJA). Démarrant comme une fausse ballade, avec force piano et orchestration symphonique, "Child Of Prophecy" déploie ses ailes dans un crescendo progressif de toute beauté qui mène à un break instrumental agressif et un final épique, sur lequel Zaher fait preuve une nouvelle fois d’une maîtrise vocale impressionante. "The Empire", quant à lui, est un morceau mid-tempo assez heavy, agrémenté d’un beau solo de guitare ainsi que d’un refrain au ton lyrique. S’en suit "Heroes", avec son refrain dansant et sa rythmique percutante. Probablement le titre le plus immédiat et rentre-dedans de l’album, et ce n’est pas étonnant qu’il ait été choisi dans l’urgence comme premier single, en remplacement de "Candles Cry".

Ce nouveau chapitre de la vie de MYRATH se referme avec "Carry On", une merveille de metal progressif. Sur cette chanson poignante, Zaher Zorgati livre un falsetto savoureux et délicat qu’on ne lui connaissait pas. Un final enlevé, une énergie contagieuse, un solo à se damner, un refrain fédérateur : « But I will carry on, I will be the one to end it all this time. But I will carry on, I will be the one. I'll find a way A never-ending trial lies beyond. » (« Mais je continuerai, je serai celui qui mettra fin à tout cela cette fois-ci. Mais je continuerai, je serai le seul. Je trouverai un moyen. Une épreuve sans fin se profile à l'horizon. ») Ce morceau est la quintessence de l’art de MYRATH : une musique solaire et dansante (qui ferait danser même le plus placide des moines bouddhistes !), toujours positive même dans l’adversité, et qui véhicule un message universel d’amour et de fraternité. Et ce « Karma » profond et lumineux, est le reflet des belles âmes qui donnent vie à ce groupe, une étape de plus dans une carrière déjà longue, mais une étape décisive qui ouvrira les portes d’une plus grande reconnaissance à ces cinq musiciens archi talentueux.  

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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