1 avril 2024, 10:43

TURBULENCE

"B1nary Dream"

Album : B1nary Dream

Avant de commencer à rentrer dans le vif du sujet de ce « B1nary Dream », troisième album de TURBULENCE, une petite présentation s’impose. Nous avions découvert la formation originaire du Liban au Ready For Prog Festival en 2022, où elle nous avait fait forte impression. Elle a été fondée en 2013 et propose un metal progressif ultra technique à tendance djent avec des éléments de jazz-fusion et quelques sonorités orientales. Qui dit ultra technique, dit bien évidemment niveau ébouriffant des musiciens. Mais pour autant, leur musique, qui pourrait s’avérer rébarbative et seulement accessible à une niche de techno-apprentis-musiciens férus de tableaux croisés dynamiques, reste très accessible grâce à une notion de la mélodie qui rend l’ensemble très digeste. La belle voix claire du chanteur Omar El Hage rajoute au charme incontestable de l’ensemble.

Le quartet - composé d’Alain Ibrahim à la guitare, de Mood Yassin aux claviers et d’Anthony Atoui à la basse, en plus de leur chanteur - a fait appel à notre compatriote, l’infatigable Morgan Berthet (MYRATH, KLONE, KADINJA...) pour les parties de batterie, leur batteur habituel, Sayed Gereige, étant indisponible pour l’enregistrement de ce disque. Et, comme Morgan nous le confiait dans notre dernier entretien, de la même manière que KADINJA lui sert de défouloir technique, il a dû également bien se défouler sur cet album, tant le niveau est élevé et ses interventions riches de mille subtilités. Il faut dire que les compositions de TURBULENCE se prêtent merveilleusement bien aux acrobaties et changements stylistiques, tout en gardant une ligne de conduite mélodique et un thème musical principal qui revient sous plusieurs formes tout du long du disque, que ce soit au chant, aux claviers ou à la guitare, servant parfaitement le propos de ce concept-album. 

En effet, « B1nary Dream » nous plonge dans l’histoire d’un robot appelé 8b+1 qui se trouve au sein d’une expérience qui amène au questionnement et à l’éveil. Un robot qui se rapprocherait tellement de l’humain, qu’il serait capable de penser par lui-même et de ressentir des émotions ? On se retrouve au cœur du sujet très actuel, et inquiétant pour certains, de ce que l’on nomme "intelligence artificielle". A ce titre, l’artwork de la pochette conçue par le biais l’IA, colle parfaitement au sujet. L’album est conçu comme une seule pièce divisée en plusieurs chapitres. En effet, les titres s’enchaînent sans temps mort, avec fluidité, et l’on perçoit sans peine les montagnes russes émotionelles traversées par le robot, jusqu’au dénouement final, le poignant "Corrosion" et sa sublime outro, "Deerosion".

Outre les aptitudes techniques des musiciens, on est happé par les diverses ambiances qui s’imbriquent avec une facilité déconcertante en dépit des  nombreux changements de styles au sein d’un même morceau et de la complexité apparente de l’ensemble. Ainsi, on passe par du pur metal progressif, en version modernisée, à des instants frénétiques et des avalanches de notes djenty ("Theta") puis à des breaks jazzy voluptueux guidés par les soli exceptionnels d’Alain Ibrahim ou le groove est maître (les instrumentaux  "Time Bridge" et "Manifestations" qui débouchent sur le soyeux et caressant "Ternary", sur lequel Omar El Hage nous emporte avec sa voix sensible), ou encore des sonorités orientales avec l’excellent solo de qanûn (également écrit kanoun, modèle de cithare d’origine turque) par Sam Dabboul, sur la pièce progressive qu’est "Binary Dream" avec ses plus de quatorze minutes de développements enchanteurs. Encore une fois, on hallucine devant les talents en présence, mais aussi leur habileté pour nous transporter dans plusieurs états émotionnels avec un tel naturel que l’on ne les voit pas passer ces quatorze minutes ! On sent qu’il y a eu beaucoup de travail en amont pour que cet album soit d’une telle richesse, mais jamais indigeste.

Après ce morceau de maître, l’intensité ne faiblit pas. En témoigne le génial "Hybrid", lancé à fond de train, avec son refrain accrocheur et son break plus calme, jazzy en diable. Enfin, la conclusion se fait délicate et émouvante avec "Corrosion", qui commence comme une douce ballade sur laquelle Omar El Hage brille de mille feux, offrant à l’auditeur la facette la plus grave et bouleversante de sa palette vocale. Superbe composition suivie de l’exceptionnel morceau instrumental "Deerosion" qui possède un solo de guitare à se damner, signé Alain Ibrahim, sans doute le plus beau de l’album qui pourtant n’en manque pas.

Compositeurs incroyables de dextérité et de feeling, Alain Ibrahim et Mood Yassin ont donné vie à une merveille d’orfèvrerie. Ce « B1nary Dream » de haute volée possède indéniablement le truc en plus qui le démarque des autres sorties et devrait permettre à TURBULENCE de gagner le cœur des fans de metal progressif. Si ce disque ne rencontre pas le succès qu’il mérite, c’est que le monde va définitivement encore plus mal qu’on ne le pense. Faites-vous une faveur : jetez-vous dessus si vous ne voulez pas avoir la sale impression d’avoir raté votre vie !  

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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