27 mai 2012, 0:00

THE CULT : "Choice Of Weapon"

Album : Choice Of Weapon

Depuis "Born Into This" en 2007, il n'y avait plus de véritable nouvelle discographique du CULT. Certes, il y avait eu quelques participations réussies pour Ian chez UNKLE, mais les dernières déclarations du groupe, en marge de la tournée Love, ne nous rassuraient pas. Ian Astbury, le bouillant et charismatique chanteur du groupe, déclarait alors à qui voulait l'entendre que THE CULT ne ferait probablement plus d'album. «C'est un format mort, disait-il alors, Ithune détruit les albums, détruit le concept même de l'album. C'est un concept qui était établi depuis les 60s mais qui a fait long feu ! » Avant d'ajouter : «Nous ne voulons pas perdre un an et demi à travailler sur des putains de tubes !» A l'écoute de ce nouvel album, leur neuvième, on est heureux qu'ils aient changé d'avis. Entretemps, comme beaucoup de groupes des années 80, THE CULT a revisité son passé en rejouant intégralement son album désormais classique "Love". Si pour certains, cet exercice est périlleux, car oui, les héros sont quand même parfois fatigués, ceux qui ont comme moi assisté à leur concert parisien en sont sortis sur le cul. Oui, THE CULT était toujours bien vivant et même capable de rejouer ses standards en vous collant le frisson. Et c'est bien cette énergie intense et vibrante qui illumine ce nouveau «choix des armes». Loin du monolithique et plombé "Beyond Good & Evil" et du manque de mordant de la prod de "Born Into This" qui nivelait l'album, c'est donc un CULT rasséréné, électrique, que l'on retrouve aujourd'hui. Mais aussi, un CULT parfaitement conscient d'avoir 50 piges au compteur dont trente d'activité. Ainsi, c'en est fini depuis longtemps des looks déments, des poses à la « je suis le nouveau Jim Morrison», des excès autoproclamés, des bitures, de la défonce, de la frime. Tout ça, CULT l'a vécu jusqu'à la corde. Le groupe s'est cramé mille fois de Londres à LA dans des trips qui finalement n'étaient pas les siens. Désormais, les héros ont des bonnes gueules bien burinées qui se suffisent à elles-mêmes, même si la silhouette de Ian a aussi quelques kilos en trop. Et alors ? Alors, fuck them all !!!

S'il fallait situer cet album dans la discographie déjà dense du groupe, on pourrait dire qu'il se place dans une veine allant de "Dreamtime", "Love" en passant par "Born Into This". Mais c'est surtout à "The Cult", le terrible et notoirement sous-estimé album à la pochette de bouquetin datant de 1994 que ce disque ressemble, avec sa prod sèche comme un coup de trique. Ici, il n'y a rien de rond. Si vous aimez les ambiances léchées, calibrées où rien ne dépasse, amis du jour, passez votre chemin. Une fois encore, le CULT ne rentre pas dans le moule. Chris Goss, le chanteur et guitariste de MASTERS OF REALITY, épaulé par le fidèle Bob Rock (c'est leur quatrième collaboration), a concocté une production abrasive mais classique à souhait, une production qui va comme un gant à ce disque puissant qui varie les ambiances et les styles.
Même si musicalement la filiation avec "Born Into This" est évidente, le groupe semble s'être retrouvé. Billy nous taille des riffs qui convoquent des spectres allant de "SpiritWalker" et autre "Hollow Man" (sur "The Wolf") à "Stars" ou "Coming Down". Le tout en mode qui raye l'émail, tandis que les années heavy ont laissé des traces indélébiles mais excitantes à souhait.
Pour démarrer ce nouvel album, Astbury et Duffy ont tablé sur du musclé. "Honey From a Knife" ne fait en effet pas dans le détail. Ian y ressuscite ses vieilles obsessions indiennes pour chasser ses éternels démons destructeurs, implorant qu'enfin l'eau l'extirpe de cet enfer où il s'est plongé, cependant que derrière le groupe pratique la politique de la terre brûlée.
Dès la première écoute, des titres évidents restent en tête, et il n'y a qu'à pousser les premiers singles "For The Animal" ou "My Lucifer" pour comprendre que l'efficace qui déchire fait toujours parti du vocabulaire du CULT.
« Au commencement était l'émotion » disait Louis-Ferdinand Céline et il semble que le CULT ait retenue la leçon. Plutôt que de nous la jouer façon testostérone bodybuildée artificielle, impression qui prédominait quand même sur leurs deux précédents opus et surtout sur "Beyond...", Duffy et Astbury ont préféré jouer la carte de l'émotion pure (non, ce n'est pas une chronique pour Femme Actuelle) à l'image des poignants "Life>Death", "Wilderness Now", "Siberia", l'intense "Amnésia" où Ian se déclare né dans l'underground et définitivement orphelin d'Altamont, ou encore le tragique "Embers". Le groupe nous livre une poignée de titres sur lesquels Ian semble plus à fleur de peau que jamais, cependant que Billy et ses hommes lui cisèlent de quoi mettre sa voix exceptionnelle sur orbite. Il est à noter qu'autour de Ian et Billy, le groupe s'est stabilisé depuis 2005 avec les excellents Chris Wise à la basse et John Tempesta à la batterie.
Pour être tout à fait complet, notons que la « capsule », sorte de maxi enregistré par le groupe en 2010, déjà produite par Chris Goss, et que le groupe espérait vendre par lui-même, est ici livrée en intégralité sur le disque deux. Alors, certains esprits chagrins, il en faut, regretteront à juste titre que le pourtant efficace "Every Man and Woman Is a Star" fleure un peu la décalque du "Dirty Little Rock Star" de l'album précédent. A ce petit bémol près, force est de constater que nous n'avions pas connu THE CULT si inspiré depuis' "The Cult" en 94.

Pour conclure, je trouve personnellement rassurant que des groupes qui aient 30 ans d'existence puissent encore accoucher d'album de cette ampleur. J'ai bien dit album, un concept qui ne se contente pas d'un ou deux singles, puis de remplissage par du vide abyssal d'un producteur plus avide que mélomane.
On peut dire que la tournée "Love", sans nostalgie aucune, semble avoir remis THE CULT dans ce qui semble finalement être sa veine naturelle. Une veine aux confins de la new wave musclée, du rock indé et du hard hérité des 70s, une veine qui irrigue d'un sang chaud et neuf ce "Choice of Weapon" d'un bout à l'autre sans faiblir. La classe.

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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