30 novembre 2012, 0:00

SOUNDGARDEN : "King Animal"

Album : King Animal


Il est des disques qui vous prennent à revers. Des disques qui vous attendent au tournant. Des disques dont, sans persévérance, il serait facile de passer à côté. Et à vrai dire, c'est ce qui a failli m'arriver avec ce sixième album de SOUNDGARDEN.

Pourtant, la toute première impression était bonne. Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous mais, à titre perso, je suis resté très sensible aux pochettes et celle-là, en jette.
C'est donc avec une impatience non feinte que j'appuyais sur la touche Play. Fan de longue date du groupe, j'avoue qu'à la première écoute, je suis resté on ne peut plus dubitatif. Rien ou pas grand-chose. Deux ou trois titres... Ni très bon, ni très mauvais. Une sensation d'entre deux qui laissait un premier goût de trop peu après seize années d'attente.
Je dois aussi confesser que si j'attendais ce retour, je ne pouvais réfréner un fond de circonspection. C'est que ces dernières années post SOUNDGARDEN, son charismatique chanteur, le sieur Chris Cornell a tout fait pour brouiller les pistes. On l'a vu pour le meilleur avec des membres de R.A.T.M. dans AUDIOSLAVE. Pour le moins bon, on oubliera sa prestation de service dans le thème du James Bond « Casino Royale », voire dans le carrément mauvais avec « Scream », son dernier effort en solo, produit par l'ineffable Timbaland, qui le voyait tenter de plonger dans une espèce de mainstream R'n'B où il avait l'air aussi à l'aise qu'un Patrick Fiori reprenant « Ace of Spade » de MOTÖRHEAD. Bref, j'avais peur que ce retour ne soit surtout placé sous le signe d'un sauvetage financier d'une carrière solo quand même bien mal en point.

Hasard de la vie, il se trouve que j'avais rendez-vous ce jour-là avec notre Vénéré Rédacteur en Chef Christian Lamet qui, lui-aussi, venait de jeter une oreille sur l'album. Et, grand soulagement, son avis se rangeait à peu près au mien. Mais, me dit-il dans sa sagesse abyssal (oui il est chef, ce n'est pas l'UMP ici), il faut réécouter et donner sa chance au disque. C'est là qu'on voit qu'il n'est pas chef pour rien.

Car en fait, ce n'est pas deux, mais trois écoutes qu'il m'a fallu pour entrer dedans. Comme dirait mon éminent confrère Christophe Darras, il est vicieux cet album !! Et vicieux est bien le mot juste. « King Animal » est le genre de disque qui vous prend en douce et ne vous lâche plus. Insidieusement, pour appâter le chaland, le gang de Seattle a bien posté ici où là deux ou trois vignettes qui s'imposent immédiatement (« Been Away Too Long », « Halway There », ou « Bones Of Birds », nous aurons l'occasion d'y revenir). Pour le reste, c'est la grande descente en apnée au pays du riff à la moiteur assumé, du mid-tempo bien crade.
Ceux qui aiment le comique troupiers et l'Heroïc Fantaisy peuvent s'arrêter là, ce Roi Animal n'est pas pour eux.
Pour ce retour après seize ans d'absence discographique, Chris Cornell et ses acolytes ont choisi la face nord. La plus dure. Celle où le soleil ne se donne pas beaucoup de mal. Une fois encore, la lumière n'est là que par petite touche, ici ou là. Plus que par le passé cependant. Car en vieillissant, chemin faisant, le désespoir ambiant du groupe de Seattle s'est, lui, délavé un peu au profit d'une maturité bienvenue. Ce « King Animal » est avant tout un disque adulte. Le disque d'un groupe qui a fini de se colleter avec lui-même et a retrouvé le plaisir de jouer et composer. Et on le sent tout au long des treize titres.

Pour entrer en matière, SOUNDGARDEN a choisi la manière forte. « Been Away Too Long », on l'a vu, fait partie des titres immédiats de l'album. Ça dépote... et ressemble furieusement à « Gonna See My Friend » qui ouvrait le génial « Backspacer » des cousins de PEARL JAM. Mais là s'arrêteront les comparaisons. Puisque dès « Non-State Actor », on entre dans le vif du sujet. Tempo zeppellinien en diable et Cornell dans le rouge.
SOUNDGARDEN est bien de retour. Et pas pour rire. Tandis que Matt Cameron et Ben Sheperd font groover l'ensemble jusqu'à l'hypnotique parfois, Kim Thayil, lui, a rallumé les hauts fourneaux (« Blood On The Valley »), mais il n'a pas oublié les petites inserts malins que l'on découvre au fil des écoutes, intelligemment mis en valeur dans le mix. On sent que le groupe a vraiment travaillé chacun des titres de cet album. La tension interne y parait moins forte que sur les précédents opus. Toutefois, SOUNDGARDEN a gagné en inventivité, ne se refusant aucun plan, explorant chaque piste. Et cela se sent par la richesse générale de ce disque. Une richesse qui, vous l'aurez compris, ne se dévoile qu'au fil des écoutes successives.
Pour autant, « King Animal » s'inscrit bien dans leur lignée discographique.
Des titres comme « Taree » ou le bien pêchu « Attrition » auraient pu figurer sans problème sur un de leurs albums précédents. « Black Saturday » est étrangement cool, un morceau d'atmosphère. A partir du lumineux « Halfway » s'ouvre un autre versant de l'album. On change de braquet, « Worse Dreams » où Cornell réveille le spectre américain de Jim Morrisson. Sa voix ample nous rappelle le défunt chanteur des DOORS aux relents de « Soft Parade », mais en mode sous stéroïde néanmoins. « Eyelid's Mouth », un des titres que je préfère, une compo de haut vol dont Kim Thayil retourne sournoisement le refrain à la fin. Et pour conclure, « Rowing » un titre dont on ne sait pas trop bien où il va, mais qui, in fine, emporte le morceau.
Mais y a-t-il un morceau digne de « Black Hole Sun » demandèrent alors anxieusement les fans avides qui avaient remarqué qu'il manquait un titre dans ce survol?
Eh bien oui et mille fois oui !!! Il y a bien un titre de la classe de « Black Hole Sun ». « Bones Of Birds » c'est le nom de la merveille qui prouve que oui, SOUNDGARDEN est de retour, et pas pour faire de la figuration. Ce truc-là vous prend et vous fait tutoyer des sommets. Je ne vous en dis pas plus pour vous laisser un peu de suspens à l'écoute.
Alors, il y a bien un petit bémol cependant sur la production, certes efficace, d'Adam Kasper mais qui s'égare parfois inutilement et surtout de façon un trop visible sur les terres de JANE'S ADDICTION (sur « Crooked Step » et « A Thousand Day Before »). Mais bon, ça passe quand même comme une lettre à la poste.

Le retour de SOUNDGARDEN se fait donc sous le signe de la maturité, de la complexité et du plaisir retrouvé. Avec un Chris Cornell au sommet de son art, qui s'impose définitivement pour ceux qui en douteraient comme l'un des plus grands chanteurs de rock de la planète. « King Animal » tient toutes ses promesses et en fait bien d'autres pour l'avenir.
Après PEARL JAM, FOO FIGHTERS, ALICE IN CHAINS, une chose est sûre, les quadras du rock US se portent à merveille !

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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