1 mai 2013, 0:00

DEEP PURPLE : "Now What?!"

Album : Now What?!

Il est des groupes avec lesquels nous avons des relations particulières. Et je dois vous faire une petite confession. Non, je n'ai pas de compte en Suisse. En revanche, si aujourd'hui vous lisez ces lignes c'est en grande partie à cause de DEEP PURPLE. Tout ça parce qu'un jour de 1970, mon très jeune père est rentré avec le single de « Black Night ». Cinq minutes vingt-huit secondes plus tard, ma vie avait basculé, mais ça, c'est une autre histoire.
Depuis DEEP PURPLE ne m'a jamais totalement quitté, même quand je me suis musicalement éloigné de lui. Il fait partie de mon patrimoine génétique électrique. Bref, quoiqu'il advienne, je jette toujours une oreille sur les productions du pourpre profond. Et ce dix-neuvième opus n'échappe pas à la règle.
L'avant dernier, « Rapture Of The Deep », m'avait laissé le goût d'un album ni fait ni à faire, à un ou deux moments près. Pourtant, là, il y avait un nouvel enjeu de taille. Initialement prévu pour être produit par Glover et Paice, c'est un autre vétéran talentueux de la production qui s'est finalement assis derrière la console, et pas n'importe lequel : Mister Bob Ezrin.

Pour les plus jeunes de nos lecteurs qui n'ont pas connu l'âge d'or de ce magicien des potentiomètres, rappelons qu'il a produit TOUS les meilleurs albums d'Alice Cooper, « The Wall » de PINK FLOYD, « Get Your Wings » d'AEROSMITH ou encore chez nous « Dure Limite » de TELEPHONE (oui ça c'est vraiment lui) et many, many more...
Bref, le bonhomme ayant la réputation d'être exigeant et un peu perché, on pouvait légitimement attendre un peu plus que d'hab' de ce disque.

Donc, trêve de palabre, passons à l'action pour une revue en détail.
Et ça commence plutôt pas mal, en fait. Bon ok, « A Simple Song » ne démarre qu'après 2m06 d'une intro qui fait penser d'abord à PINK FLOYD puis à SCORPIONS, période "on fait des slows" (argh !). Cependant, une fois la machine mise en route, pas de doute possible, on est bien chez DEEP PURPLE. Un DEEP PURPLE qui se décide enfin à renouer quelque peu avec son immense son des seventies forgé dans le B3 et dans une rythmique de plomb. Et « Weirdistan » semble confirmer qu'il est en forme. Un instant, un espoir me traverse, serait-ce enfin LE disque qu'on attend de lui depuis la reformation de 1985 ? Mais soudain, alors que le refrain flotte gentiment, arrive le pont et là, mesdames messieurs, Don Airey met tout le monde dans le décor avec un méchant chorus de synthé en mode vomito qui évoque illico le YES de la fin des 70s (et sous ma plume ce n'est pas un compliment, tiens rien que d'y penser j'en ai froid dans le dos). Diablerie ! Nous voilà à la flotte. Et rien de rien ne ranimera ce « Weirdistan » pourtant bien parti. « Out Of Hand », houlà, ça se corse. Mais qu'est-ce que j'écoute ? Encore du YES ? Non, car déjà c'est « Hell To Pay » qui lui succède et là, ouf, on retrouve un DEEP PURPLE qui ne devrait pas décevoir ceux qui, jadis, aimèrent « Perfect Stranger ». Le titre suivant, « Body Line » , renoue à nouveau avec le son historique, mais sur une mélodie FM très datée 80s.
« Above And Beyond » qui suit, est un très bon titre de... KANSAS, auquel il ne manque que le violon ! KANSAS dont, rappelons-le, Morse fut un temps membre. « Blood From A Stone » est un des meilleurs titres de l'album, baigné dans un bain de Fender Rhodes aux relents de « Riders On The Storm » des DOORS appuyé sur un refrain qui emporte le tout. Et là pour le coup, Don Airey excelle dans le suave, presque jazzy tandis que Morse a le bon gout de n'en point trop faire.
Huitième titre, « Uncommon Man »... effectivement, pour n'être pas commun, ce n'est pas commun. Alors qu'on se sentait tout revigoré, God damned ! C'est la rechute, le trou noir ! Nous revoilà la tête la première dans le progressif Prisunic. Tout à coup ! Après 2mn56 d'errances stratosphériques, les Pompiers Planants se muent en chevaliers de la guimauve pour un riff en mode synthé trompette tout en château fort ! Ivanoë ! Ivanoë ! Non, pardon, je m'égare. Quoique...

Passons sur « Après Vous », nous y reviendrons, reste encore le single « All The Time In The World », un honnête titre FM.
Et puis vient le final... Comment dire ? On croyait avoir tout entendu avec « Uncommon Man »... mes amis, nous étions loin du compte... « Vincent Price » ça s'appelle. Mais qu'est-ce que ce brave acteur de série B, cultissime pour certains, a-t-il donc bien pu leur faire pour mériter pareil traitement ?
Oubliant momentanément toute retenue, Ezrin et ses nouveaux amis ouvrent les vannes en grand. Allez les gars ! Même pas peur ! Et vas-y la marée noire de choeurs, tant pis pour les p'tit noiseaux et les gentils dauphins. Et tiens, pendant que tu y es, mets-nous donc un gros nuage poussif de synthés tralalilala. Ouais, ouais, c'est la teuf... C'est bon d'être effrayé parfois, disent les paroles. D'accord, mais il y a quand même des limites ! Dommage pour Steve Morse qui venait justement de retrouver le mode d'emploi du solo blackmorien. Celui-là même que Ritchie a perdu depuis le premier album de RAINBOW diront les mauvaises langues.

Reste « Après Vous », le seul titre dont on sache immédiatement qu'il s'agit de DEEP PURPLE. Voilà, là, pas besoin de stimuli FM, pas besoin de singer les effroyables YES (si vous n'êtes pas sage, je vous ferai écouter « Tormato » en boucle, on verra si vous ferez encore les fiers). Non, avec ce titre, on est dans le dur, dans le coeur du sujet. Et je regrette qu'il n'y en ait pas d'avantage.
Disons les choses clairement. On n'écoute pas DEEP PURPLE pour qu'il soit innovant. Ce n'est pas lui faire injure que dire qu'il a cessé de l'être depuis « Burn ». Alors pourquoi ne pas creuser le sillon de ces disques formidables que furent « Rock », « Fireball », « Machine Head » et le TROP sous-estimé « Who Do We Think We Are » qui constituent encore 95% de son répertoire scénique. D'autant qu'ici ou là, la magie opère encore et il suffirait d'un rien pour rallumer les hauts fourneaux.

DRING !!! Attention prêt pour appuyer sur le buzzer ? Question de notre très fidèle lecteur jurassien Monsieur Serge L. : pourquoi DEEP PURPLE s'entête-t-il à faire de mauvais albums FM ?
Très bonne question Monsieur L, cependant je ne vous remercie pas de me l'avoir posée. Car, à la vérité, je n'en sais rien. Ecoutez donc BLACK COUNTRY COMMUNION pour trouver un faisceau de réponse, peut-être.

C'est d'autant plus surprenant que, paradoxalement, le groupe est au top. Cette huitième incarnation de DEEP PURPLE n'a rien à envier aux précédentes. Ce n'est pas une formation au rabais avec des requins sans âme. Elle dégage une énergie, un plaisir non feint de jouer que le Pourpre n'avait pas dû connaitre depuis « Machine Head ». Les tensions sont apaisées, la maturité lui va bien et si Ian a perdu vocalement, il fait encore honorablement le boulot, soutenu par une cohésion d'ensemble qui fait briller chacun des membres sans laisser personne en route. Même les départs de Ritchie le Sombre et de Jon Lord auquel l'album est d'ailleurs dédié, ont été transcendés de belle manière. Pourquoi tout cela ne transparaît-il pas dans leur troisième album en commun ? Mystère. Faudrait peut-être faire venir les Experts de Miami ? Qui sait ?

Pour conclure, si ce « Now What ?! » n'est pas le naufrage du dernier AEROSMITH, ce n'est pas non plus la résurrection en forme de Best of de lui-même du dernier Bowie. Pour le prochain, je fais un souhait en forme de voeu pieux : cher Monsieur Rick Rubin, toi qui sais faire des miracles avec les anciens, tu ne veux pas nous produire un album de DEEP PURPLE, dis, tu veux pas ?...

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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