18 mai 2013, 0:00

IGGY AND THE STOOGES : "Ready To Die"

Album : Ready To Die


Pour la deuxième fois en quelques semaines, me revoilà à me colleter avec un de mes héros historiques. Après DEEP PURPLE, voici donc le retour de Mister Iggy avec ses Stooges, mais sans Ron Asheton parti sans laisser d'adresse rejoindre la cohorte de nos chers disparus. Deuxième album donc pour Les Stooges après « Weirdness » en 2007 qui cimentait la reformation, mais qui ne m'avait pas vraiment emballé. J'avais eu l'impression que la mécanique tournait un peu à vide, rehaussée par la prod un brin artificielle et lourdingue de Steve Albini dont je n'ai jamais été un très grand fan. Iggy lui-même en convient à présent. Et puis, notre héros avait depuis un certain temps une furieuse tendance à se muer en homme-sandwich tendance. Je ne lui jetterai pas la pierre. Merde, le voir devenir une icône branchouille à son âge après ce qu'il a vécu, me fait plutôt marrer. Je sais le mec trop brillant, trop malin pour ne pas goûter toute l'ironie de la situation. Mais bon, après les albums pseudo-jazzy franchouillards, j'avoue que j'appréhendais un peu.

Mais revenons à nos moutons. Bien que les apparences ne laissent pas deviner à première vue, Iggy et DEEP PURPLE ont plus de chose en commun qu'on ne pourrait le penser. Chacun dans leur genre, ils ont fait dans les 70's des disques qui ont marqué l'histoire de la musique. Puis, ils ont connu de sales passes, perdu des membres et sortis pléthore d'albums insipides voire très mauvais parfois. Surtout, ces deux groupes de vétérans sont véritablement des marathoniens du live et pas en mode doucement les basses, s'il vous plait. Je pense qu'il est impossible de savoir au juste combien ils ont donné de concerts ces 10 dernières années, alors que la majorité des gens de leurs âges goûtent aux joies de la retraite en mangeant des biscuits mous bio ou en gobant du Viagra devant un épisode de Joséphine Ange Gardien pour les plus déviants. Ok je m'égare.

Ron parti chez les anges métalliques, Iggy s'est décidé à enterrer la hache de guerre avec James Williamson, l'homme qui sculpta le mythique « Raw Power ». James et Iggy, fâchés à mort pendant l'enregistrement de « Soldier » courant 1980, ne s'étaient jamais reparlés. Mieux encore, totalement dégouté, James s'était donné à fond dans son autre passion : l'électronique. Et de belle façon, puisqu'entré chez Sony, l'homme du chaos sonique sur six cordes avait fini par en devenir un cadre dirigeant !!! Quand il reçoit l'appel de l'iguane, James vient justement de prendre sa retraite. Mais, plutôt que la chaise longue et Derrick en boucle, l'idée de martyriser encore un peu sa Les Paul, loin de l'effrayé, l'excite carrément. Et c'est une chance. Car, et c'est l'un des grands problèmes d'Iggy, ces chansons dépendent de celui qui les lui composent. S'il est un auteur brillant et beaucoup trop injustement sous-estimé, ce n'est pas lui faire offense que dire qu'il est un compositeur faiblard. Souvenons-nous des albums de la fin des 90's qu'il avait quasiment composé seul, à notre plus grand désarroi.

Heureusement, James Williamson n'a pas semé en route son talent de compositeur. Et c'est là, toute la différence avec le Pourpre Profond que je chroniquais la semaine passée. Iggy & les Stooges n'essaient pas seulement d'être encore excitants. Ils y parviennent le plus souvent. Certes, je ne vais pas vous baratiner que ce « Ready To Die » est une sorte de « Raw Power 2 » le retour de la momie du fils du comeback. D'ailleurs, qui depuis a même approché ce monument de la déglingue sonique incontrôlé ? Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, le disque n'est pas le plus violent de tous les temps. Parce que, franchement, côté violence pure, ce n'est pas à toi lecteur de Hard-Force qui en a vu bien d'autres qu'on va la jouer à l'envers. Non, « Raw Power » est et restera probablement comme le truc le plus authentiquement dingue d'une période qui ne le fut pas moins. Lessivé, rincé, réduit à néant par le chaos, toxico en perdition, Iggy passera ensuite par la case HP, histoire de remettre ses pendules à l'heure. Et il y avait du boulot. Bref, personne, pas même notre héros, n'égalera jamais ce sommet. Il y a eu et il y aura encore des mecs vraiment perchés, adeptes forcenés de l'extrême, mais dans un autre style. Comme dit le proverbe, autre temps autre moeurs.

Donc, à défaut d'être un album d'exception, « Ready To Die » est bien un... Attention, lecteur sensible, je vais dire un gros mot (oui je sais c'est mal)... Un PUTAIN d'album de Rock. Un vrai. Un album de Rock adulte et passez-moi l'expression, je sais on dirait du Nagui dans le texte, mais une maturité qui lui sied à merveille. Voilà donc un album avec des chansons simples et efficaces, râpeuse à souhait, et une production qui ne cherche pas à en faire des caisses, une production au service de la musique et non de l'ego du producteur comme c'est souvent devenu la règle. Il faut aussi expliquer que Williamson, personnage tatillon s'il en est, ne supportant pas qu'un quidam touche les potentiomètres derrière lui, a logiquement produit l'album, ceci explique donc cela.
Alors, nos héros sont-ils bons pour Les Tamaris, résidence tout confort pour personnes âgées, télés dans les chambres, repas à six heures et infirmières compatissantes ou encore capables de foutre le feu à la baraque ?
C'est ce que nous allons voir, dès le premier titre, avec ce « Burn » d'excellente facture, plus reptilien que réellement incandescent. Le genre de truc insidieux qui s'immisce dans vos neurones pour ne plus vous lâcher. Iggy s'y déclare toujours prêt pour le combat. « Consumé / Suis-je concerné ? / Devrais-je l'être ?/ Je ne sais pas ». Plus loin il ajoute : « La déesse de la Beauté est de retour en moi/ J'ai une leçon à apprendre/ Car il n'y a pas de Dieu dans cette foule ». « Sex & Money » qui lui succède ne débande pas (ok, elle est facile !). Et « Job » qui lui emboite le pas vaut lui aussi son pesant d'or et vous file illico l'envie de reprendre son refrain à l'emporte-pièce : « I got a job but it don't pay shit/ I got a job and I'm sick of it.» « Gun »... Eh bien, « Gun » est un bon vieux titre de Rock à l'ancienne à l'efficacité sans pareil, comme je les aime. « Unfriedly World », une pause acoustique bienvenue et bien vue où Iggy en mode Sinatra ravagé toute en élégance. Avec « Ready To Die », on rebranche le matos. « I'm shooting for the sky/ Cause im' ready to die !! ». Prêt à en finir... Pas si sûr en vérité à l'écoute du titre suivant : « DD's », une ode bien sentie au... gros bonnet. Enfin ceux des filles, évidemment pas les ignobles cochons qui régentent le monde. Le bizness justement, il en est question avec « Dirty Deal » où Iggy règle quelques vieux comptes. En effet, on imagine facilement que ces contrats pourris, notre iguane en a signé quelques-uns ? Et pour finir, deux petites pépites plus calmes mais pas moins intéressantes. D'abord « Beat That Guy », et la montée alternée d'électricité de James ajoute un beau côté tranchant au chant outre-tombale de l'Iguane. Et enfin, le crépusculaire « The Departed » où Iggy se fait soudainement plus grave. Comme rarement en fait. Iggy regarde dans le rétro. Difficile ne pas y voir l'ombre de Ron Asheton. « C'est de la faute de personne, si la vie de noctambule est un trip de mort », lâche notre héros dans cette chanson-bilan qui conclut l'album sur ces interrogations sous-entendues : « qu'avons-nous fait de notre vie ? ». Qu'est-il advenu de nous ?

A 67 balais au compteur, Iggy Pop garde une rage électrique d'éternel ado intact. Dorian Gray à la tronche ravagée par les années, les excès du Rock'n'Roll Lifestyle poussé à l'extrême mais qui, à l'instar du premier titre de l'album n'a pas fini de se consumer. Alors, ok, c'est moins violent qu'avant mais ça lui va foutrement bien. Sa grande force est de ne pas chercher à faire jeune, à faire Rock, à faire je ne sais quoi. Iggy ne cherche qu'à être lui-même. Avec ses plaies et ses bosses.
Et quand James Williamson lui offre un écrin à sa mesure, à la fois mature, suffisamment sonique et d'une belle élégance alors on obtient probablement le meilleur album de l'Iguane ou au moins le plus totalement cohérent depuis « American Caesar », l'un de mes albums favoris des 90's.

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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