3 janvier 2014, 18:26

SEVEN - 7 péchés capitaux, un musicien : Stéphane Buriez (LOUDBLAST)

 

© Anthéa Bouquet

 

 

 

Depuis près de trois décennies, Stéphane Buriez est une figure majeure du paysage musical français. Leader charismatique, chanteur et guitariste de LOUDBLAST, mais aussi producteur, il n’a jamais baissé la garde. Depuis un peu plus d’un an maintenant, il est également passé de l’autre côté de la barrière puisqu’il officie en tant qu’animateur d’"Une Dose 2 Metal", le "shoot" télé hebdomadaire incontournable – avec "Metal XS" s’entend – pour tout fan qui se respecte. Stéphane est demandé au confessionnal...

 

 

 

L'ORGUEIL

 

 
Dirais-tu que tu as déjà eu le melon ?
Je pense que quand tu chopes la grosse tête, tu ne t’en rends pas compte. C’est forcément ton entourage qui te le fait savoir. Il paraît que j’avais un peu pris le melon quand ça a commencé à marcher, à la sortie de « Disincarnate » (91). On m’a dit après coup qu’à cette époque, j’étais assez insupportable. Je n’en avais vraiment pas conscience. Ça ne m’a pas fait plaisir, surtout que je ne me tiens pas en grande estime. Depuis que je fais "Une Dose 2 Metal", je fais très attention à garder la tête sur les épaules et à ne pas trop me prendre au sérieux. 
 
Effectivement, il faut une certaine dose d’humilité pour monter sur scène avec un "splendide" pull METALLICA offert pas MASS HYSTERIA, comme tu l’as fait à l’occasion de leur dernier concert de l’année à Strasbourg…
C’est la preuve de mon "bonhomisme" (rires). Il est très doux et je vais le remettre car je suis fier de porter un pull aussi laid (sourire). 
 
© Fanny Larcher


 
Y a-t-il des musiciens internationaux que tu as rencontrés qui t’ont déçu parce qu’ils se la pétaient ?
En tant que musicien, je n’ai pas le souvenir d’avoir croisé de gros cons. En tant qu’animateur d’émission télé par contre, j’ai eu mon duo de connards. Ce qui est peu sur toute une saison, plus le spécial Hellfest. Je ne citerai pas de noms, mais c’était deux chanteurs : le premier d’un vieux groupe anglais, le second d’un groupe de Thrash allemand. Des gens que je respecte beaucoup en plus. Pas de noms, c’était la devinette du père Buriez ! Des fois, il y a des mauvais jours, mais on n’a pas d’excuses pour être désagréable et méprisant. Il ne faut pas oublier que tout ça ne tient pas à grand-chose. Dans notre métier, on se doit d’être un minimum aimable avec les fans. Après, c’est souvent l’entourage du groupe qui est moins agréable que les musiciens. Nous-mêmes, on en a été victimes, il y a quelques années, avec un tour-manager qui était insupportable avec les groupes qui ouvraient pour nous. On ne le savait pas à l’époque, et du coup, les musiciens pensaient qu’on se la pétait… Il ne bosse plus avec nous.
 
Au contraire, lesquels t’ont semblé les plus humbles ?
La plupart des groupes avec qui on a tourné étaient super. CANNIBAL CORPSE, les mecs de GOJIRA qui sont toujours aussi cool, MORBID ANGEL, AGNOSTIC FRONT, VOIVOD… 
 
Ta plus grande fierté dans la vie ?
Voir grandir – bien – Axel, mon fils de 21 ans. Il joue de la guitare et fait un BTS d’audiovisuel.
 

L'AVARICE

 
Quel est ton rapport à l’argent ?
Je ne flambe pas mais j’aime bien profiter de la vie. Je suis un jouisseur, un bon vivant. J’aime me payer de bons restos, de bons vins, du bon whisky. Ne pas me priver. Je suis l’antithèse d’un avare, je ne supporte pas ça. 
 
Tu es musicien, producteur, animateur télé. Tu es un workaholic ou leader de LOUDBLAST, ça ne fait pas vivre son homme ?
Il y a des deux. LOUDBLAST a longtemps été ma principale activité. J’ai encore des parts dans mon studio de Lille, mais j’en ai vendu une grande partie pour me recentrer. J’ai toujours été curieux, je n’arrête pas de faire plusieurs choses à la fois, tout en essayant de tout bien faire – du moins je l’espère. Le son m’a toujours intéressé, dès le début quand on a enregistré des maquettes avec LOUDBLAST. La télé, c’est différent, ça m’est tombé dessus il y a un an et demi. Quand Jean-Sébastien Ventura, le directeur général de l’Enôrme TV, qui est par ailleurs fan de Metal, m’a donné rendez-vous, je pensais qu’il voulait peut-être me proposer de faire une émission avec LOUDBLAST. Je n’aurais jamais imaginé qu’il me propose de devenir présentateur d’une émission de Metal d’une heure et demie avec des groupes qui jouent en live, en prime time sur une chaîne câblée. J’ai dit oui tout de suite. Quand on te fait confiance sur un projet ambitieux, c’est un challenge, tu en veux encore plus. Ne pas le faire, c’était laisser la place à un autre et c’était inconcevable pour moi. Ma motivation, c’est la passion. Je ne fais pas ça pour l’argent, même si, bien sûr, il en faut un minimum pour vivre bien. On ne vit pas d’amour et d’eau fraîche, malheureusement.
 
Tu te souviens de ce que tu t’es offert avec ton premier cachet ?
Une BC Rich Mockingbird USA que j’ai rachetée à mon pote bassiste de BLACKWHITE. Je l’ai toujours, comme la plupart des grattes de cette époque. Je dois en avoir 20. Mes deux plus belles pièces, ce sont cette BC Rico de fin 70 et une Ibanez Iceman Paul Stanley Signature de 1978 qui a beaucoup de valeur pour moi. J’ai pas mal de Gibson, de belles Godin, j’ai été endorsé par Yamaha aussi à une époque, je me suis acheté une Ampeg transparente. J’en ai encore une chez mon luthier, une BC Rich que j’ai rachetée à Christian de GOJIRA. 
 
Quel est le plus beau cadeau que tu t'es offert ?
Mon Ibanez Paul Stanley. KISS, c’est le groupe qui m’a donné envie de jouer de la musique et ça a une valeur symbolique. Le prochain beau cadeau que je me ferai, ça sera sans doute une belle voiture. Peut-être une Ford Mustang, mais j’aime bien aussi les Allemandes. Mais j’ai d’autres priorités dans la vie, je préfère dépenser mon argent dans la musique en fait. Je pourrais déjà avoir une belle bagnole mais je préfère les belles guitares.
 
Si une marque de guitare ou d’accessoires que tu n'aimes pas du tout te proposait un gros chèque pour t’endorser, tu accepterais ?
On vient de signer avec Peavey et Jackson, l’année commence bien. Non, je refuserai. On est un peu prescripteur de tendances quand on est musicien et accepter un endorsement avec une marque que l’on ne valide pas, ce serait envoyer des jeunes gars qui commencent la musique sur une mauvaise piste. On se doit d’avoir une certaine éthique. L’avantage, c’est que j’ai toujours été endorsé par de bonnes marques. De toute façon, on ne m’a jamais proposé d’argent pour jouer sur des instruments (rires)… On nous passe du matos, c’est déjà bien.
 

L’ENVIE

 
En mode "Dans la Peau de John Malkovich", tu peux passer une journée dans celle d’un musicien que tu adores. Qui choisis-tu ?
James Hetfield. Ce n’est pas très original mais c’est lui que j’admire le plus. En tant que guitariste/chanteur, c’est le mec qui a changé ma vie. Avant, j’écoutais du Hard-Rock, du Metal, mais le groupe qui m’a donné envie de faire LOUDBLAST, c’est METALLICA. C’est mon premier gros choc musical, avant SLAYER. Hetfield, c’est un des plus grands compositeurs qui soient, il a un charisme incroyable. Et puis j’aimerais bien savoir quel effet ça fait de jouer devant 60 000 personnes tous les soirs. 
 
© JB Quentin


 
Quel talent rêverais-tu d’avoir ?
J’hésite entre être un bon skieur ou un bon cavalier, deux disciplines où je suis assez lamentable. Mon grand-père était un très bon cavalier, il est d’ailleurs mort sur son cheval. Et en snowboard, ma copine me dépose, je ne peux pas suivre. En même temps, je n’ai pas envie de me casser un bras…
 
Tu as des idoles ?
SLAYER, un groupe énorme. J’admirais évidemment Jeff Hannemann, sa disparition nous a tous touchés. La paire Hannemann-King, c’était un peu les KK Downing/Glenn Tipton du Thrash. Ils font d’ailleurs partie de leurs influences. Il y a aussi Chuck Schuldiner, un grand compositeur… Et puis KISS, qui m’a donné envie de faire de la musique, et METALLICA qui m’a donné envie de faire du Speed Metal. J’ai découvert KISS en regardant "Les Légendes du Rock’n’Roll", une émission qui passait le samedi soir sur TF1. Il y avait des images de la tournée "Alive II", c’était incroyable. Pendant des mois, je me suis imaginé être guitariste de KISS. C’est ça qui m’a donné envie d’acheter une guitare.
 
La partie de guitare que tu aurais aimé écrire ? 
“For The Love Of God” de Steve Vai.
 

LA COLÈRE

 
Tu as déjà pété un câble sur scène ?
Ça m’est déjà arrivé plusieurs fois de mettre un coup de pied dans la tête du mec qui vient de tomber sur mon micro et a failli me casser les dents. Ça ne me plaît pas et ça dérange le show. Tout est question de respect : quand on ne me respecte pas, je ne respecte pas. Il y a eu aussi un concert à l’Elysée-Montmartre, en première partie de CARCASS je crois, il y a longtemps. On a fait la balance, tout allait bien, et quand on est revenu sur scène, le mec à la table avait dû s’endormir sur son joint parce que dans les retours, c’était n’importe quoi. Ça a larsené pendant deux morceaux, le mec n’a rien fait. Je lui ai craché à la gueule en sortant de scène. Les conditions difficiles, ça existe, mais quand c’est la faute évidente de quelqu’un qui ne fait pas son boulot, il faut le lui faire savoir.
 
© Anthéa Bouquet

 
Tu t’es déjà battu ?
Oui. Je me suis battu pour des filles, je me suis battu avec des cons. Je suis assez susceptible. Je prends vraiment à cœur ce que les gens disent en général. Je suis vite blessé. Quand certaines personnes se font un peu trop insistantes, je sais en général les calmer. 
 
Au quotidien, qu’est-ce qui te saoule ?
La circulation parisienne. Du coup, je prends le métro qui me fait disjoncter aussi. Je crois que c’est Paris qui me fait cet effet-là en fait. Je ne supporte pas le manque de civisme des gens. Il y a des valeurs qui se perdent, comme le respect et la politesse qui ne sont pas des principes vieux jeu.
 

LA LUXURE

 
Ton "maître" Gene Simmons a toujours dit qu’il s’était mis à la musique pour se taper un maximum de filles. C’était aussi une de tes motivations quand tu as commencé ?
Je n’ai pas fait ça pour me faire des meufs, j’étais même plutôt timide au début. Avec le temps, le fait d’être sur le devant de la scène et de devoir remplir le rôle de frontman, ça te débride un petit peu. On dira que j’ai bien profité de la vie… En fait, je n’ai eu que deux groupes dans ma vie : WARLIKES, qui faisait des reprises et n’avait qu’une seule compo originale, et tout de suite après, LOUDBLAST en 1985 qu’on a formé au lycée. 
 
Certains gardent un souvenir "ému" de la pochette de  « Cross The Threshold ». Qui l’avait choisie ?
On travaillait avec Bolek Budzy, un peintre polonais qui habite pas loin de Lille, notre ville d’origine. Il avait fait celle de « Sublime Dementia » (93) et à l’occasion d’une de ses expositions, on est tombé sur cette toile. Comme on avait décidé de parler un peu plus de cul, de l’homme en tant qu’animal sexuel, on a été unanimes en la voyant. C’était celle qu’il nous fallait ! Le public nous l’a bien rendu car ça reste notre best-seller en termes de ventes de T-shirts. La pochette a un peu défrayé la chronique en son temps, il y a eu de la censure et de pauvres fans qui portaient le T-shirt se sont même fait virer du lycée. 
 
La chanson éponyme, que vous jouez toujours sur scène, est d’ailleurs très explicite. Le sexe, ce n’est pas le sujet le plus abordé dans les textes des groupes de Death ou de Thrash…
Hormis dans le premier album, qui était plus ancré dans des clichés Death Metal, on a toujours eu des textes un peu différents des autres groupes. LOUDBLAST, on aime ou on n’aime pas, mais ça ne laisse pas indifférent. 
 
C’est qui ton sex-symbol ?
Toutes les femmes sont désirables, c’est ça le problème (rires). Non, je ne suis pas un bonimenteur ! J’aime les brunes, les rousses, les blondes. Je n’ai pas d’idéal féminin. Sinon, j’aime bien Belladonna. Une actrice porno. 
 
Si tu étais célibataire, entre taper un méga bœuf avec tes musiciens préférés ou passer la soirée avec Belladonna, tu choisirais quoi ?
Je ferais un bœuf avec Belladonna (rires) !
 
LOUDBLAST a des groupies ?
On est tous casés mais on a eu notre lot de groupies.
 

LA GOURMANDISE

 
De quoi es-tu gourmand ?
J’adore la bouffe. La cuisine italienne – je fais de très bonnes linguine vertes et blanches à la crème de truffe –, la cuisine française. Le bon vin aussi. En fait, je suis gourmand des bons moments passés avec les bonnes personnes. Passer le dimanche à table avec des potes et terminer avec un bon digestif, c’est bien.
 

LA PARESSE

 
Avec du recul, dirais-tu que tu as toujours autant travaillé la guitare que tu l’aurais dû ?
A l’époque de « Sublime Dementia », un magazine de guitares, Guitarist je crois, m’avait classé dans les trois meilleurs gratteux de Metal. Ça m’avait fait super plaisir, je bossais beaucoup la guitare à l’époque, mais après, je me suis un peu… sclérosé. Je n’ai pas perdu mais je n’ai pas poussé beaucoup plus. Ce qui me fait surtout kifer, c’est composer, pas le côté technique de la guitare, même si ça me plaît. Drakhian, l’autre guitariste, fait des choses que je ne sais pas faire. Il a un bagage technique bien meilleur que le mien. Et il est plus jeune. Quand tu es en tournée, tu ne bosses pas trop et quand tu rentres, tu fais des interviews, tu vas voir un peu tes potes. Je ne suis pas du genre à m’enfermer toute la journée pour jouer de la guitare. 
 
© CélEye Kopp

 
Pourquoi cet instrument et pas un autre ?
A la base, je voulais être batteur. Mais comme j’habitais avec mes parents dans un appartement, il était hors de question que j’aie une batterie. Alors je me suis orienté vers la guitare. Je suis une espèce de batteur frustré (sourire). Mais c’est un instrument que je maîtrise pas mal. Quand on est producteur, il faut savoir aussi être multi-instrumentiste.
 
Tu joues combien d’heures par semaine ?
C’est assez irrégulier. En ce moment (NDJ : interview réalisée à la mi-décembre), on est en phase de compo et on répète aussi. Donc ça fait quatre heures par jour minimum. Sinon, une heure tous les jours quand même.
 
Tu es bien paresseux pour quelque chose, non ?
Le ménage. Je le fais, enfin, je le faisais. Encore une fois, il faut laisser les compétences de chacun s’exprimer (sourire) et la mienne en matière de ménage n’est pas celle que l’on remarque en premier. Je ne suis pas d’une nature paresseuse, je ne peux pas rester un après-midi chez moi et regarder un film, par exemple. Impossible, sauf si je suis malade. Je ne suis pas hyperactif mais il faut toujours que j’aie quelque chose à faire. 
 
La peur du vide ?
Sûrement. Je n’aime pas trop réfléchir, je suis quelqu’un d’assez torturé. Anxieux.
 
Quand sortira votre nouvel album ?
On a pris un peu de retard, pour diverses raisons. On a composé pas mal de titres et certains morceaux n’étaient pas encore arrivés à maturité. Il fallait que l’on rebosse dessus et on s’est dit que plutôt que sortir un album à la va-vite, pour répondre à des exigences de planning, on préférait faire un bon album. Et tant pis s’il sort pendant la tournée. Elle ne comptera que 15 dates et après, il y en aura des dizaines d’autres, dont le Hellfest en point d’orgue. Et puis il y a eu certains événements douloureux qui sont arrivés et nous ont obligés à revoir les textes. Ce recul nous a permis de peaufiner les morceaux, et, pour la première fois depuis longtemps, on sait vraiment les jouer avant d’enregistrer l’album. On part au mix début janvier, la pochette est déjà prête. On s’est vraiment investis à quatre, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Sans être la continuité de « Frozen Moments Between Life And Death » (2011), on reste dans cet esprit-là. C’est un peu plus brutal, sombre, ça correspond un peu plus à notre esprit du moment. On a envie de tout défoncer. Je pense que cet album fera date dans notre discographie.
Laurence Faure.
 
 
Retrouvez LOUDBLAST sur la tournée "Brutale Coalition" en compagnie de BENIGHTED à partir du 27 février 2014.
 
 
Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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