Soyons honnêtes, nous n'avons pas vraiment fréquenté les "Stoned Gatherings" alors qu'elles vont bientôt célébrer leur -DEJA !!!- 100ème concert organisé en mars prochain. Honte. Shame. Aucune excuse valable alors qu'on est un fondu de stoner depuis 20 ans. Il fallait attendre que notre pote John Garcia vienne jouer à Paris lors de sa tournée solo pour que l'on daigne enfin fréquenter ces soirées désormais cultes dans le monde entier - excepté une bonne soirée quinze jours plus tôt avec SPIDERS et HORISONT, en compagnie de seulement 30 personnes. Car si ces soirées stoner peuvent ne rameuter qu'une poignée de personnes lors de certains concerts plus confidentiels, certaines affiches présentent la crème de la crème des légendes du genre - à vrai dire il ne manquait bien que John Garcia pour compléter ce Who's Who quasiment exhaustif.
Organisées par une petite bande de doux-dingues passionnés ayant porté le stoner au rang de petite secte familiale et bon enfant toujours enthousiaste à accueillir de nouveaux adeptes dans leur temple destroy, underground et post-berlinois du Glazart au coeur du Bowery parisien, les "Stoned Gatherings" sont désormais des soirées que les musiciens de cette scène internationale se refilent par bouche-à-oreille, se passant volontiers de leurs tourneurs habituels pour venir les honorer de leur présence.
Annoncé depuis des lustres et créant un énorme buzz, ce concert du 2 décembre 2014 restera dans les annales de leurs célébrations fuzzées. John Garcia n'a pas joué à Paris depuis le 25 juin 2011 avec KYUSS LIVES ! au Bataclan. Si on l'a vu mille fois depuis ailleurs, c'est avec un plaisir non feint qu'on l'accueillait à domicile pendant deux jours, profitant d'une petite relâche sur son calendrier solo intensif. Ainsi l'a-t-on promené dans Paris, bravant le mordant hivernal qui vient si vivement et si brutalement contraster avec nos rencontres estivales et annuelles dans la fournaise du désert californien. Restos, ballades, et soirées en famille, tout concordait à intensifier le plaisir d'être là, et à faire grossir l'émulsion de rejouer à Paris, lui promettant que ouais, ce soir, il allait être très, très, très attendu.
C'est en effet un Glazart complet qui célèbre la venue de ce gourou de la scène stoner depuis 25 ans - et si cela fait déjà vingt ans que KYUSS a déposé les armes, selon eux au pic de leur créativité et de leur intégrité artistique, la légende John Garcia n'a jamais ni déçu ni faibli selon ses cercles d'admirateurs zélés, que ce soit avec SLO-BURN, UNIDA, HERMANO, VISTA CHINO, lors de ses innombrables participations sur des albums de potes, ou désormais en solo avec ce très bon premier album paru en août dernier.
Pour l'heure, et si ses copains de Palm Desert WAXY se sont retirés de l'affiche faute de moyens conséquents pour assurer une tournée européenne aussi dense, ce sont les excellents KOMATSU qui s'emparent de la scène le temps d'un set intense et viril, les Hollandais n'hésitant pas à injecter morceaux instrumentaux aux limites de MASTODON au sein de leur heavy-rock gras, frontal, parfois expérimental et hypnotique. On loupe ensuite STEAK -que l'on a cependant vu répéter pendant deux morceaux lors de leur soundcheck - mais un dernier verre dans le tour-bus de John ne se refuse pas avant qu'il ne monte sur scène. On sait juste que les Anglais pratiquent un stoner de facture assez classique et lorgnent sans trop de complexe vers le desert-rock de VISTA CHINO...
Il est donc 21h40 lorsque John Garcia s'empare de la petite scène du Glazart et l'accueil, comme prévu, est énorme. Les 550 aficionados présents ce soir offrent au chanteur une ovation particulièrement généreuse, à la hauteur du patrimoine incarné et de l'attente. Devant l'homme et ses trois lieutenants réquisitionnés pour cette première tournée solo (tous des vétérans de la scène de Palm Desert - Ehren Groban à la guitare, Mike Pygmie à la basse et Greg Saenz à la batterie), le public est immédiatement conquis par l'introductif "Caterpillar March", l'un des huit morceaux de KYUSS qui sera dispensé ce soir. Si VISTA CHINO concentrait ses set-lists sur les deuxième et troisième albums de KYUSS ("Blues For The Red Sun" et "Welcome To Sky Valley" sur lesquels officiait le non-moins légendaire Brant Björk à la batterie et qui sont pour autant loin d'être épargnés ce soir), c'est le dernier album "... And The Circus Leaves Town" qui est, une fois n'est pas coutume, mis à l'honneur puisque nombre de ses titres n'ont pas été interprétés depuis des lustres. Ainsi, les grandioses "Gloria Lewis", "One Inch Man" et surtout ce "El Rodeo" absolument dantesque et inespéré, sont exécutés dans des versions complètement dingues qui voient le public complètement péter les plombs, ou bien rentrer dans une transe de fascination quasi-religieuse. Nous sommes sur le côté droit de la scène, et cette vision des premiers rangs hystériques restera gravée, telles ces photographies en noir et blanc ayant capturé la fièvre et la violence de l'âge d'or du hardcore américain du début des années 80.
L'album solo éponyme de Garcia est bien entendu amplement visité, dès le second morceau de la set-list, le très grand, lourd et fier "Rolling Stoned", en vérité une reprise d'un très jeune groupe confidentiel dont John s'est récemment épris - BLACK MASTIFF. Il est fort plaisant de constater que tous ses nouveaux morceaux ont été adoptés par ses fans, même s'ils diffèrent complètement de ses productions précédentes : l'extraordinaire "My Mind", "5000 Miles" (écrit par son pote Danko Jones qui s'enragera en personne de ne pas avoir prolongé son séjour parisien de trois jours supplémentaires), "Flower", ou le plus bluesy "The Blvd" maintiennent les fans dans leur excitation, tous ces excellents morceaux, plus rock, plus intimes mais sans conteste aussi puissants, étant d'un très haut niveau qualitatif. "Saddleback" apporte une petite touche basiquement rock'n'roll - relativement proche d'AC/DC sur la version démo que l'on préférait d'ailleurs sensiblement, tandis que cette version torride du "July" de SLO-BURN enflamme littéralement les plus ardents connaisseurs, tous forcément accros à l'EP culte du groupe, dont manque hélas ici le "hit" pourtant incontournable, ce "Pilot The Dune" joué ailleurs en début de tournée.
La fin du concert est une grand-messe à la gloire de KYUSS, John revenant sur scène après une interminable pause, certes "règlementaire" mais qui aurait pu être écourtée... "Supa Scoopa & Mighty Scoop", leur "paranoidal" et donc immanquable "Green Machine", ainsi que "Whitewater", aussi intense que propice aux jams hallucinées, viennent achever cette heure et demie qui n'aura visiblement déçu personne, John ayant très visiblement l'air de s'être amusé, plus loquace avec le public et ayant paru bien plus détendu que d'habitude. Sûrement grâce à ce petit Bourgogne et ce steak tartare qu'on lui a préparé la veille...
Photos par Stéphane Rip (UNIDA - Hellfest 2014)
