30 janvier 2024, 18:54

EXPLICATIONS DE TEXTES

GHOST : "Year Zero"


​Après avoir proposé des explications de textes d'albums dans leur intégralité, de « Master Of Puppets » de METALLICA à « Operation: Mindcrime » de QUEENSRŸCHE, en passant par « Opus Eponymous » de GHOST ou « Ten » de PEARL JAM (la liste complète est à la fin de l'article), j'ai décidé que je me pencherai désormais plus modestement sur les paroles d'un morceau célèbre d'un groupe. Après "Enter Sandman" de METALLICA, place à "Year Zero" de GHOST, une des pièces maîtresses de l'Evangile selon Papa Emeritus. Présent sur « Infestissumam », second album de la créature de Tobias Forge, c'est toujours un moment fort du Rituel live.
 

Sans être à proprement parler un concept-album, « Opus Eponymous », premier cantique blasphématoire de GHOST sorti en 2010, parlait de la venue prochaine de l’Antéchrist jusqu'à sa naissance. L’ennemi du Christ qui, selon l'Apocalypse, viendra prêcher une religion hostile à la sienne peu de temps avant la fin du monde. Deux ans et demi plus tard, son successeur, « Infestissumam », continue l'histoire dans ses grandes lignes, même si une Nameless Ghoul, qui, on l'ignore encore, n'est autre que Tobias Forge/Papa Emeritus II, déclarera au détour d'une interview : « Ce nouvel album parle de la présence du Diable et de celle de l'Antéchrist. Pour faire court, on dira que ces 10 chansons sont en rapport avec la façon dont l'Homme se sent concerné par une présence diabolique ».

Bien que le chanteur se soit chargé du texte, "Year Zero" a été coécrit, comme "Zenith", par le guitariste Martin Persner, Nameless Ghoul guitariste connue pendant 7 ans sous le nom d'Omega. Suite à son départ, ce dernier ressuscitera MAGNA CARTA CARTEL, groupe pré-GHOST dans lequel jouaient également Tobias et le guitariste Simon Söderberg, alias Alpha. Qui, en avril 2017, révèlera l'identité de l'Anti-Pape à l'occasion du procès qu'il lui intentera avec trois autres Nameless Ghouls licenciées. Sans que ceci n'ait la moindre incidence sur la destinée de GHOST et de son leader qui pensait voir son concept s'écrouler comme un château de cartes. Comme celles du Seigneur, les voies des fans sont impénétrables…
 

Si, de prime abord, “Year Zero” apparaît comme une ode à Satan, le texte de Tobias Forge est, comme souvent, ouvert à l'interprétation de celles et ceux qui s'y intéressent. Il encourage en effet ses Enfants à réfléchir par eux-mêmes et à remettre en question les idéologies, tout en condamnant la foi aveugle et en prônant l'individualité.


Si, de prime abord, "Year Zero" apparaît comme une ode à Satan, le texte du Suédois est, comme souvent, ouvert à l'interprétation de celles et ceux qui s'y intéressent. Il encourage en effet ses Enfants à réfléchir par eux-mêmes et à remettre en question les idéologies, tout en condamnant la foi aveugle et en prônant l'individualité. Mais sans rien leur imposer non plus. C'est en effet le manque total de discernement des fervents chrétiens plus que de la croyance en elle-même dont il se moque. « Nous ne critiquons pas Dieu mais l'Homme (…), expliquait Tobias en 2013, dans une interview au Phoenix New Times qu'il avait accordée sous le masque d'une Ghoul. C'est cela mon propos. Voilà pourquoi on considère ici que les fervents Chrétiens – avec tout ce que cela implique – sont légèrement handicapés. Parce que cela signifie qu'ils n'ont pas compris certains aspects de la vie. Je n'ai pas dit que j'assimile la croyance à un handicap. Je dis juste que les plus fervents croyants sont aveuglés par ce qu'ils choisissent de ne pas voir. »

Mais venons-en à "Year Zero". Bizarrement, si les astronomes utilisent une année zéro depuis 1740, ce n'est pas le cas des historiens. Elle n'existe pas non plus dans le calendrier julien (le calendrier solaire utilisé dans la Rome antique, introduit par Jules César en 46 avant Jésus-Christ), ni grégorien (ou Anno Domini, comme dans « Chaos A.D. » de SEPULTURA par exemple) qui lui a succédé au 16e siècle, pas plus que chez les Chrétiens. Sans doute parce qu'au départ, le zéro est absent de la numérotation romaine, qui débute au chiffre I. Mais aussi parce qu'au 6e siècle de notre ère, Denys Le Petit, un moine qui a voulu proposer un nouveau système de datation en choisissant pour point de départ la naissance du Christ, s'est pris les pieds dans sa robe de bure en calculant sa venue au monde supposée. Du coup, on s'est retrouvé directement de l'an -1 avant Jésus-Christ à l'an 1 après J.-C. Sans passer par la case départ et sans toucher les 100 000 livres parisis (système monétaire de l'époque)… 

On peut en effet supposer que le règne de l'Antéchrist abolirait le calendrier tel qu'on le connaît et que cette fameuse Année Zéro manquante deviendrait celle de son avènement, supplantant la naissance du Christ en même temps qu'elle marquerait le début d'une nouvelle ère. A l'image d'“Infestissumam” qui ouvre l'album en latino-italien (« Le Père, le Fils, l'Esprit Malin/ Il faut détruire les Cieux (ou par extension, Il faut détruire tout ce qui est sacré)/ Antéchrist, fils de Satan/ La plus hostile ». Oui, c'est le féminin qui est employé, ne me demandez pas pourquoi…), l'incantation débute sous forme de chant grégorien (sacrilège !) avec l'invocation de six créatures infernales :

• Bélial : le démon du vice et de la colère qui symbolise le Mal dans la tradition juive et chrétienne dans l'Antiquité.

• Béhémoth : d'abord monstre primordial ennemi de Dieu, il deviendra au fil du temps un démon stupide, maître de la gourmandise, ou une créature chimérique. Et, au 20e siècle, le nom d'un trio polonais de black metal.

• Belzébuth : un des sept princes des enfers, second après Satan, surnommé le Seigneur des Mouches.

• Asmodée : le démon de la luxure, chassé par l'Archange Gabriel.

• Satan : l'adversaire et ennemi juré de Dieu, le tentateur incarné en serpent qui sera à l'origine du péché originel.

• Lucifer : "le porteur de lumière" en latin, qui était également pour les Romains le nom de Vénus, l'astre du matin. Un archange déchu pour s'être rebellé contre Dieu et qui sera par la suite assimilé à Satan. D'où le refrain : « Hail Satan, Archangelo/ Hail Satan, welcome Year Zero » ("Gloire à toi Satan, Archange/ Gloire à toi Satan, bienvenue à l'Année Zéro"). Pour l'anecdote, "Ave Satani" (gloire à Satan) était le thème de La Malédiction (The Omen en V.O.), un film d'horreur britannico-américain sorti en 1976 qui suivait Damien, un jeune garçon qui n'était autre que l'Antéchrist. Il décrochera 3 nominations aux Oscars. Fin de la parenthèse.
 

Dans la vidéo de "Year Zero", Tobias a choisi de faire de ses "disciples" des femmes, sans doute pour établir la différence entre le christianisme pour qui la femme demeure impure depuis le péché originel et sa vision du monde, lui qui apparaît relativement "féministe" – dans le bon sens du terme. D'ailleurs, depuis 2018, ne fait-il pas appel à des Ghoulettes ?


Tobias n'ayant pas réussi à trouver de chorale américaine qui accepte de chanter un texte aussi blasphématoire à Nashville, dans le Tennessee, où est enregistré « Infestissumam » sous la direction de Nick Raskulinecz (STONE SOUR, TRIVIUM, ALICE IN CHAINS), c'est finalement à Los Angeles, ville de perdition par excellence, qu'il trouvera son bonheur, les choristes étant apparemment moins regardants qu'ailleurs. Ils seront baptisés St. Trident Tenors of Tinseltown (les Ténors de Saint-Trident de Tinseltown – un des surnoms de L.A. qui peut se traduire par "la ville du bling-bling"). Voilà qui donne le ton. Et quand Papa Emeritus II parle des humains dans la chanson, c'est avec tout le mépris qu'il a pour ces viles créatures rampantes. « Depuis l'aube de l'humanité/ Le destin de l'Homme est identique à celui des poux/ Semblable à celui de parasites/ Qui rampent, aveugles/ Un jour du Jugement dernier où la pénitence est d'être condamné à brûler éternellement/ Entamez le compte à rebours et répétez les mots que vous avez entendus ». Mais on peut aussi y lire que jamais au cours des siècles, l'être humain n'a été capable de tirer de leçons des erreurs du passé et qu'il répétera aveuglément les mêmes jusqu'à la fin des temps.

On assiste alors à la montée de l'Antéchrist face aux « rois et [aux] reines découragés/ [qui] cherchent le réconfort dans leur foi ». On peut supposer qu'il fait référence aux dirigeants et monarques du monde entier. Ou, plus prosaïquement, que leurs dieux sont l'argent et le pouvoir. Puis il « fera trembler les nations/ Les royaumes s'effondreront les uns après les autres ». Et comme c'est quand même d'une créature diabolique dont il est question, il parle d'inceste, un des péchés suprêmes (« A daughter to fall for a son » : "une fille tombera amoureuse de son frère"). Avant que, devant les humains stupéfaits, l'Antéchrist, qui n'est jamais nommé une seule fois par Papa Emeritus II, ne « s'élève vers les Cieux, au-dessus des étoiles de Dieu », montrant ainsi sa Toute-Puissance à celui qui, un jour, le précipita du Paradis parce qu'il s'était rebellé. Lui « le plus sage et le plus beau des anges/ Dieu puni par le sort et privé de louanges » comme l'écrivit Baudelaire dans "Les Litanies de Satan", présent sur le sublime Les Fleurs du Mal. Et déclamé de façon magistrale par Voph de SAMAEL sur la chanson du même nom de ROTTING CHRIST.

Un passage directement inspiré du Livre d'Isaïe, chapitre 14, versets 12 à 15, de la Vulgate, une version latine de la Bible, où l'on peut lire : « Comment es-tu tombé du Ciel, astre brillant, fils de l'aurore ! Comme tu as été renversé jusqu'à terre, dompteur des nations ! Tu disais en ton cœur : "Je monterai au ciel, au-dessus des étoiles de Dieu, j'érigerai mon trône, je m'assiérai sur la montagne de l'alliance, dans les profondeurs du septentrion. Je monterai sur les hauteurs des nuées, je serai l'égal du Très-Haut". Et te voilà descendu au Shéol dans les profondeurs de l'abîme. »

"Year Zero", second single de « Infestissumam » après "Secular Haze", aura deux versions vidéo, celle non censurée que vous pouvez retrouver ci-dessous dévoilant cinq paires de seins (autant que de Nameless Ghouls…). Tobias a en effet choisi de faire de ses "disciples" des femmes, sans doute pour établir la différence entre le christianisme pour qui la femme demeure impure depuis le péché originel et sa vision du monde, lui qui apparaît relativement "féministe" – dans le bon sens du terme. D'ailleurs, depuis 2018, ne fait-il pas appel à des Ghoulettes ? Et puis, le côté subversif et plus sexy de la chose ne lui a pas échappé non plus. Dernière vision, subliminale, le service trois pièces de Papa en mode exhibitionniste... à moins qu’il ne s’agisse de celui d’une doublure. A ce jour, le mystère demeure entier...


De même que l'étrange "Deus Culpa" qui ouvrait « Opus Eponymous » était un chant de Noël suédois, "Betlehems Stjärna (Gläns Över Sjö och Strand)", qui parle de l’étoile de Bethléem qui a guidé les rois mages jusqu'au lieu de naissance de Jésus et qui, Interprété à l’envers, devient donc annonciateur de la naissance de l’Antéchrist, on retrouve en face B du maxi "oreZ raeY". Soit "Year Zero" joué à l'envers. Car, même si ça n'est pas encore flagrant, Papa pratique le second degré.


Quant à l'artwork du single, il s'agit d'un hommage à Satan présidant le Conseil infernal, célèbre gravure de John Martin de 1824, signée Zbigniew M. Bielak. Une habitude pour le leader de GHOST de détourner des images connues pour les interpréter à sa sauce. A l'image de celle de l'artwork de « Infestissumam », largement inspirée de l'affiche du film Amadeus​, chef-d'œuvre de Milos Forman sorti en 1984.

​Les autres explications de textes :
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GHOST : Quand Tobias Forge s'inspire d'Aleister Crowley
GUNS N’ ROSES : « Appetite For Destruction »
METALLICA : « Ride The Lightning »
METALLICA : « Master Of Puppets »
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METALLICA : L'alcoolisme dans les paroles de James Hetfield
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PEARL JAM : « Ten »
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SLAYER : « Decade Of Aggression »

Explication de vidéo :
RAMMSTEIN : “Deutschland”

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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